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Bach par le Café Zimmermann - A l’écoute de la modernité en devenir - Compte-rendu


Créé en 1998, le Café Zimmermann a su se hausser aujourd'hui au premier rang du concert baroque, faisant référence dans son nom à l'esprit convivial qui régnait dans les fameuses rencontres musicales du Café tenu par Gottfried Zimmermann à Leipzig au début du XVIIIème siècle. Sous la conduite de l'Argentin Pablo Valetti, premier violon, la formation s'est largement fait connaître en France; et d'abord dans dans la Région Paca-Côte d'Azur où, depuis cette année, elle est en résidence pour une période de trois ans au Grand Théâtre de Provence.

Dans le répertoire de l'ensemble, Bach le père est à la fois honoré « comme un modèle et un sanctuaire », s'agissant surtout de valoriser l'oeuvre instrumentale du cantor, à travers le recueil, exemplaire avant tout autre, des Concerts brandebourgeois écrits à la cour du duc Léopold à Köthen , sans doute avant 1720 et dédiés au Margrave de Brandebourg (préface de 1721).

Devenu lui-même directeur du Collegium Musicum de Leipzig en 1729, Bach eut certainement l'occasion de les programmer au cours des très nombreux concerts qu'il donna avec cette formation, conscient d'offrir au public, avec ce recueil, un repère majeur dans l'évolution du concerto grosso vers le concerto pour soliste(s). C'est que les Brandebourgeois élargissent sensiblement les limites formelles du genre et proposent de véritables études de timbres pour toutes les familles d'instruments: une innovation majeure en des temps où la notion d'orchestre émerge à peine dans les chapelles (les trouvailles de Rameau dans ce domaine restent à naître).

Précisément, les Zimmermann ne cessent d'être à l'écoute de cette modernité en devenir, en phase tant avec l'élan des rythmes (jubilantes entrée en matière et conclusion du 2ème concert, nonobstant - approximations bien excusables en la circonstance - les deux ou trois petits accrocs d'une trompette naturelle à ceci près bien sonnante) qu'avec les nobles affects des volets lents (affetuoso du 5ème concert ou andante au mouvement de sarabande du 4ème). Et le Concerto pour hautbois d'amour BWV 1055 qui complète l'affiche n'est pas en reste, don mélodique et sens poétique à parts égales, confirmant les heureuses dispositions des intervenants qui, de bout en bout, sont ici comme en leur jardin, jusqu'à nous faire oublier l'absence forcée de Céline Frisch au clavecin, pour cause de fracture du poignet. Une défaillance sans effet (ou presque) sur la réussite de la soirée, le remplaçant Dirk Boerner signant, entre autres, une magistrale cadence dans le 5ème concert. Preuve que l'universel Jean-Sébastien a toujours quelque chose à révéler, quand à la justesse du geste expressif s'ajoute le regard de l'âme chez les interprètes.

Roger Tellart

Paris, Salle Gaveau, 17 mai 2011

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Photo : DR

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