Journal

Aziz Shokhakimov et Alexeï Volodin avec l’Orchestre National des Pays de la Loire – Une jeune baguette pleine d'avenir – Compte-rendu

Le programme entièrement russe de l’Orchestre National des Pays de la Loire fait la part belle à la virtuosité pianistique et orchestrale avec, en soliste, l’excellent Alexeï Volodin dont la maîtrise du clavier n’est plus à prouver. L’Ouzbek Aziz Shokhakimov (31 ans), gloire montante de la direction d’orchestre (il a gagné le Concours de Salzbourg en 2017) avait déjà fait sensation en mars 2019 en remplaçant Yuri Temirkanov à la tête du Philharmonique de Radio France pour une Symphonie n° 10 de Chostakovitch de haut vol. A Nantes, il subjugue à nouveau par une maturité que l’on n’attendrait pas d’un si jeune homme.
 

Alexei Volodin © Marco Borggreve

Le Concerto n° 3 de Rachmaninov ne fait jamais étalage d’une virtuosité débordante bien qu’Alexeï Volodin ait les moyens de sa politique. Soucieux d’expression et toujours engagé (stupéfiante prises de risques dans la cadence, la grande, du premier mouvement !), il envisage la partition davantage sous l’angle rhapsodique, évitant toute sentimentalité et débarrassant l’œuvre d’un pathos encombrant par un jeu clair et une large sonorité. L’accompagnement de rêve de Shokhakimov laisse le piano se déployer librement sans jamais le couvrir, tout en libérant des torrents de lave avec un aplomb impressionnant au moment des tutti.
 

Aziz Shokhakimov © Mischa Blank

Dans la Symphonie n° 5 de Prokofiev le jeune maestro offre une véritable féerie sonore, en prise avec l’intensité du souffle et le sens de l’épopée d'une œuvre saisissante composée en 1944 dans la fièvre des succès de l’Armée rouge sur l’Allemagne nazie. Les musiciens font flèche de tout bois pour répondre aux intentions d’un maestro qui ne lâche jamais la pression (on a rarement entendu les contrebasses de l’orchestre vrombir de cette façon !) et emporte tout par un geste d’une redoutable efficacité (Allegretto marcato totalement contrôlé, d’un rebond naturel et diabolique à souhait). Un travail d’orfèvre et architecturé qui prédit à Aziz Shokhakimov des lendemains enchanteurs.

 Michel Le Naour

Nantes, La Cité, 8 janvier 2020

Photo © Mischa Blank

Partager par emailImprimer

Derniers articles