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​Audition de Génération Opéra au Studio Bastille – Silence, on crée – Compte-rendu

C’est un concert particulièrement copieux qu’a proposé Génération Opéra, la formule de l’audition annuelle s’étant récemment enrichie pour se découper désormais en trois parties bien distinctes. Faute de pouvoir s’attarder sur chacun des seize chanteurs réunis lors de cette soirée, on se contentera plutôt de quelques remarques sur les principes guidant la programmation, sans se priver toutefois un coup de projecteur sur quelques coups de cœur.
 

Marielou Jacquard © Karl Pouillot

La première partie, « Artistes en déroulement de carrière », intrigue d’abord par sa finalité précise, mais on comprend vite qu’il s’agit de profiter de l’occasion. Puisque tous les directeurs d’opéra de France, ou presque, sont généralement présents dans la salle, le moment a paru bien choisi pour attirer l’attention sur des chanteurs « de plus de 35 ans », autrement dit sur ceux qui ne bénéficient plus de la bienveillance dont sont entourés les plus jeunes. « Aidez-les, engagez-les », tel semble être le message implicite. Parmi ces six artistes, le nom le plus familier du mélomane est sans doute celui de la mezzo Marielou Jacquard, qui interprète avec un bel aplomb l’air de Lazuli dans L’Etoile. On constate au passage que, sur six airs proposés, trois sont issus du répertoire du XXsiècle. Souhaitons que tous ces artistes aient pu convaincre les responsables de programmation de faciliter leur « déroulement de carrière ».
 

Abel Zamora © Karl Pouillot
 
Viennent ensuite cinq duos où s’illustre la Promotion 2025-26 (1). Du temps où les jeunes chanteurs devaient encore présenter en solo un air en français, on a souvent souligné combien il était difficile pour les contre-ténors de trouver autre chose à interpréter qu’un extrait de l’Orphée de Gluck, non sans tricher un peu puisque la version française de cet opéra était destinée à un ténor ou, dans sa révision par Berlioz, à une mezzo. Le problème est en partie résolu, l’obligation du français ayant disparu, mais en partie seulement, car le final du Couronnement de Poppée accompagné au piano dérange désormais un peu nos oreilles. On s’étonne davantage du décalage en termes de niveau entre les différents morceaux : le duo Suzanne-Comtesse des Noces de Figaro paraît bref et sans grandes difficultés, comparé aux Rossini et Donizetti dont est composé le reste du programme.
 

Camille Chopin & Adrien Fournaison © Karl Pouillot

Ce n’est pourtant pas le niveau technique des artistes qui justifie ce choix, puisqu’on les entend ensuite donner, en création mondiale, douze mélodies commandées à trois compositeurs et trois compositrices (cette belle parité ne reflète cependant pas le nombre des participants à la sélection, puisqu’il y avait presque exactement deux fois plus de compositeurs mâles que femelles…). On s’interroge aussi sur l’ordre de passage, ni alphabétique ni genré, et il semble plutôt que l’on ait choisi de faire entendre d’abord les mélodies les plus hardies, qui lorgnent vers Messiaen ou John Cage.

 

© Karl Pouillot

Les sopranos Héloïse Poulet et Tamara Bounazou témoignent d’une personnalité affirmée, tout comme la mezzo Léontine Maridat-Zimmerlin. Le baryton Pierre-Yves Cras séduit par un timbre opulent, et l’on se réjouit d’entendre s’affermir la voix du ténor Abel Zamora. Et l’on salue bien bas la toujours stupéfiante Camille Chopin, d’autant qu’elle peut ici se produire dans son répertoire d’élection, un extrait de La Fille du régiment, avec la complicité d’Adrien Fournaison, parfait Sulpice.

Laurent Bury
 

(1) Promotion Génération Opéra 2025-2026 : www.generationopera.fr/promotions/promotion-2025-2026

Paris, Studio Bastille, 29 septembre 2025

Photo : Pierre-Yves Cras & Léontine Maridat-Zimmerlin © Karl Pouillot

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