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Armida de Rossini à l’Opéra de Montpellier – Etourdissante vaillance – Compte-rendu

Les temps sont durs pour les directeurs de salles et Valérie Chevalier, en s’associant à l’Opéra de Gand, a hérité d’un spectacle affligeant, signé Mariame Clément. Inutile de revenir sur cette lecture inepte où les croisés campent non plus devant la Jérusalem assiégée mais dans un stade où l’on joue volontiers avec une poupée gonflable après le « combat » et où la magie d’Armida se résume à quelques images à la Pierre et Gilles, cadre à fleurettes et nus masculins compris. Rideau !

Heureusement pour nous, la partie musicale atteint des sommets. A la croisée des chemins, ni tout à fait mezzo, ni tout à fait soprano, Karine Deshayes (photo ) endosse le rôle-titre avec une vaillance étourdissante. Face à une partition difficile, composée pour la Colbran et marquée à tout jamais par Callas, un soir florentin de 1952, la cantatrice française relève sans fléchir le défi, rivalisant de virtuosité, d’endurance et d’inventivité dans les moindres variations, expressive dans les récitatifs et impressionnante dans les grands concertati, avant de culminer dans une scène finale d’une ardeur farouche. Un tel portrait vocal ferait presque oublier l’indigence de ses costumes et des situations dans lesquelles elle doit malheureusement se débattre…

Tout aussi exceptionnel, Enea Scala (photo) lui donne la réplique : le ténor italien aussi séduisant à regarder qu’à écouter, est en terrain connu chez Rossini (il incarnait déjà Rinaldo à Gand en 2015 en compagnie de Carmen Romeu/dvd Dynamic) dont il possède l’incroyable vélocité, la couleur barytonale, ainsi qu'une extraordinaire extension vers l’aigu qu'il a insolent, le tout porté par un interprétation soignée, doublée d’une crédibilité scénique qui l’éloigne de tout ridicule : un exploit !

© Marc Ginot

Magnifique dans le duo avec Armida « Sfido del fatto », il se montre sans rival depuis Rockwell Blake (à Aix en 1988) dans le terzetto « In qual aspetto imbelle » du 3ème acte, où son grave a fait sensation. Cette distribution hors pair était complétée par un autre ténor de qualité, également présent à Gand, Dario Schmunk, dans le double rôle de Goffredo et de Carlo, le jeune Edoardo Milletti venant difficilement à bout de l’air de Gernando « Non soffriro l’offesa », avant de se rétablir dans celui d’Ublado, Daniel Grice (Idraote/Astarotte) et Giuseppe Tommaso (Eustazio) apportant plus qu’honorablement leur pierre à l’édifice.

Pour redonner vie à ce grand ouvrage napolitain – et succéder au maestro Zedda – il fallait une personnalité de la trempe de Michele Gamba, jeune chef talentueux, d'une discipline de fer mais d'une remarquable expressivité, ne lâchant pas ses chanteurs d’une semelle et faisant corps avec les membres de l’Orchestre national Montpellier-Occitanie, galvanisés par son style et sa charismatique présence. Un « 10 » (sur 10) à toute l'équipe - en hommage à Zidane....
 
François Lesueur

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Rossini : Armida – Montpellier, Opéra-Comédie, 26 février ; prochaines représentations les 28 févier, 3 mars et 5 mars 2017 / www.opera-orchestre-montpellier.fr/evenement/armida
 
Photo © Marc Ginot

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