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Arcadi Volodos en récital au TCE - Vers la flamme


On s’en doutait un peu : ce ton prophétique, cette virtuosité soufrée, ces couleurs bistres, ambrées, ce toucher plein d’éclairs et d’ombres, cette capacité de triller autant qu’un vrai chanteur et à phraser long jusque dans les mélodies les plus ornées, tout cela (et son « russisime » d’évidence aussi) amènerait Arcadi Volodos vers Scriabine. Son prochain récital au Théâtre des Champs-Elysées fait la part belle à l’auteur de Prométhée, poèmes, préludes, études conduiront dans un agencement savant (de tonalités, d’humeurs, de visions) à la catharsis dansante, à l’aveuglant soleil de la « Messe blanche », cette Septième Sonate que même les scriabiniens confirmés (voyez Sofronitzki, voyez Horowitz, ) ne fréquentaient pas si souvent que cela, effrayés par l’envers dionysiaque qu’elle déploie comme pour contrecarrer les sortilèges noirs plus facilement préhensibles, et souvent déconcertés par ses étranges mesures finales smorzando.

Programme de virtuose aussi et toujours, avec l’enfer circulaire de la Sonate Dante où Liszt atteint une des quintessences de son art, littérature et transfiguration : tout le romantisme s’y dissout pour tendre déjà au moderne et l’on sait Volodos sensible à cette alchimie des styles et des temps. Trois surprises : deux Albeniz, l’un courant et pourtant subtil (de rythmes, d’articulations), le célèbre Cordoba des Chants d’Espagne (qui se fait toujours voler la vedette par Seguedillas qui le suit, Volodos a bien raison de l’en isoler) et l’autre, chef d’œuvre absolu et solitaire, cette Vega (un quart d’heure de musique continue, durchkomponierte en plus ! ), plaine étendue devant Grenade et dont Albeniz lit les mirages dans une vaste pièce divagante, aux atmosphères raréfiées, une de ses pages les plus visionnaire et aussi les plus méconnue, celle en tous cas qui dit tout ce que son piano doit à ses contemporains français. Et justement pour faire en quelque sorte écho les Valses nobles et sentimentales de Ravel, dont il débrouillera avec maestria les embarras peu pianistiques et les enchaînements abrupts. Un récital, un vrai.

Jean-Charles Hoffelé

Récital d’Arcadi Volodos, Paris, Théâtre des Champs-Elysées, le 29 avril 2009

> Programme du Théâtre des Champs-Elysées

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Photo : DR

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