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Anna Bolena au Teatro dell’ Opera di Roma – Une reine sous les barreaux– Compte-rendu

Entamée il y a deux saisons avec Maria Stuarda, la Trilogie Tudor confiée à Andrea de Rosa se poursuit à l'Opéra de Rome avec une nouvelle production d'Anna Bolena. Plateau nu, lumières rasantes, la cour d'Henri VIII n'est rien d'autre qu'un cachot dont les parois grillagées se referment progressivement sur l'épouse détestée, accusée d’adultère et conduite à la mort. Si les beaux costumes de Ursula Patzak nous renseignent sur l'époque concernée, difficile de savoir en revanche où se situe l'intrigue, sauf à déceler dans cette cage à trois niveaux où est retenue Bolena, le symbole de la Tour de Londres où elle fut retenue avant d'être décapitée. Comme pour Maria Stuarda, le metteur en scène italien privilégie l'austérité, les rapports entre les personnages qu'ils soient conflictuels, politiques ou amoureux confinant à la froideur et à un statisme qui émousse l'attention sur le long terme.

© Teatro dell'Opera di Roma
 
Donnée dans son intégralité, cette version aurait mérité un autre traitement musical que celui infligé par Riccardo Frizza. L'absence totale de style, la banalité de l'approche et la technique plus qu'approximative qui dilue les tempi dans un magma informe est un supplice pour l'auditeur, incapable de percevoir les beautés de la partition, atteint qu'il est par un incessant mal de mer. Au plateau, les interprètes, sans donner le frisson, se montrent à la hauteur des enjeux musicaux.
 
Carmela Remigio déjà présente dans la Maria Stuarda où elle était Elisabetta, prouve qu'un soprano convient bien mieux à ce rôle qu'un mezzo, trop souvent en difficulté avec la tessiture tendue de Giovanna Seymour. Qu'elle soit seule comme dans son air d'entrée « Ella di me sollecita », en duo avec le Roi ou face à Bolena dans la fameuse confrontation du second acte « Dio che mi vedi in core », la cantatrice se tire très honorablement d'affaire.

Carmela Remigio (Giovanna Seymour) & Alex Esposition (Enrico VIII) © Yasakuko Kageyama - Opera Roma

Alex Esposito instille à la figure d'Enrico ce mélange de séduction et d'inquiétante brutalité et use intelligemment des ressorts contenus dans sa belle basse expressive. René Barbera impressionne par le naturel et la facilité avec laquelle il chante Lord Percy, rôle souvent dénigré faute d'interprète suffisamment rompu à l'écriture virtuose de Donizetti.
De son côté, Maria Agresta peine à incarner le rôle-titre en raison d’un jeu souvent plat  – pourquoi ses gloussements qui compromettent son entrée et ce manque de grandeur affiché ? - d'une voix au timbre passe-partout qui, certes, affronte avec un certain courage la partition, mais qui s'économise beaucoup pour parvenir indemne jusqu'au finale. Le manque d'intuition, d'imagination et plus encore l'absence d'émotion qui l'aiderait à traduire le trouble, le désir ou la terreur, sont un véritable handicap surtout pour ceux encore nombreux, qui ont pour référence les géniales inflexions de Callas, souveraine incontestée dans ce répertoire.
Satisfaisant Smeton de Martina Belli, solide Rochefort de Andrii Ganchuk, parfait Hervey de Nicola Pamio, sans oublier les chœurs du théâtre préparés avec soin par Roberto Gabbiani. Prochain rendez-vous avec Donizetti : Roberto Devereux

 
François Lesueur

Donizetti : Anna Bolena – Teatro dell’Opera di Roma, le 20 février 2019 ;  prochaines représentations les 26, 28 février, 1er mars 2019// www.operaroma.it/en/
 
Photo © Teatro dell’Opera di Roma

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