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Amadis de Gaule à l’Opéra Comique - Comète lyrique - Compte-rendu

Une curiosité ? Par son second acte Amadis de Gaule excède en tous cas ce statut. L’œuvre est à part – une des comètes parmi les ultimes tragédies lyriques (1779) qui ne tint que sept représentations l’Académie royale de musique, mais surtout le seul ouvrage coulé dans ce moule qu’écrivit jamais Jean-Chrétien Bach. Encore le moule était-il imparfait : trois actes et non plus cinq. Peu importe, tout pétri de gluckisme, n’hésitant pas dans ses divertissements à s’approprier une touche rococo, la partition est belle sinon aussi splendide et profonde que ne l’avait été sept ans plus tôt Temistocle. Belle d’abord par son riche orchestre, et par les caractères infernaux que les arcanes du sujet comme du genre font si profus en Amadis. D’ailleurs, même si Legros fut le créateur du rôle-titre toute la dramaturgie de l’œuvre tient dans la voix d’Arcabonne, la sombre magicienne dont les pouvoirs sont défaits par la passion que lui inspire le chevalier.

On a à l’époque fait cher payer à Jean-Chrétien Bach le fait de réemployer un sujet mythifié par Lully et Quinault, mais comment les contemporains ont-ils pu passer à côté des sombres beautés du second acte ? Le grand orchestre y creuse une dramaturgie désolée sur laquelle Arcabonne met un récit subtilement modelé. L’acte est de bout en bout une merveille, et c’est justice que la Salle Favart nous le rende aujourd’hui.

Le spectacle de Marcel Bozonnet est ce qu’il est, fidèle à l’action, tout juste honnête, les costumes ont un petit côté « Les visiteurs du soirs » (et la gestique empruntée de l’Arcalaüs de Franco Pomponi fait songer à Jules Berry), mais cela se regarde et laisse les portes grandes ouvertes à toutes les séductions de la musique.

Bravo à Philippe Do d’oser se frotter à la tessiture d’Amadis, et à ses périlleuses vocalises finales, bravo surtout à Allyson McHardy, impérieuse Arcabonne, c’est elle qui tient l’intrigue et le spectacle. Délicieuse Hélène Guilemette, qui doit attendre le III pour révéler tout son art, admirable Julie Fuchs pour une Coryphée éclatante. Seul Franco Pomponi inquiétait par un placement malhabile et une vocalité aboyée, fatigue qu’on espère passagère. En fosse Jérémie Rohrer dirige avec art, précis, subtil, élégant. On applaudit mais sans renoncer à souligner qu’il faudrait mettre ici ou là plus de cœur. Cela viendra avec les représentations. Pour l’heure, courrez découvrir cette rareté.

Jean-Charles Hoffelé

Jean-Chrétien Bach : Amadis de Gaule - Paris, Opéra Comique, le 2 janvier
Prochaines représentations les 4, 6 et 8 janvier 2012
www.opera-comique.com

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Photo : Pierre Grosbois pour l'Opéra Comique
 

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