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Alexander Paley en récital à Radio France – Un art à son sommet – Compte-rendu

Hormis dans la série de Philippe Maillard à Gaveau, on entend trop peu Alexander Paley(photo) à Paris. Excellente nouvelle, le pianiste était invité par Radio France pour clore son week-end pianistique autour de la Révolution russe.

Chostakovitch termina sa Sonate n° 2 en 1942 et il est rarement donné de trouver dans un programme cet ouvrage déroutant, secret, on ne peut moins « public ». Parvenir à scotcher littéralement son auditoire comme le fait ici A.Paley signale une personnalité musicale hors du commun. Radical dans son approche, l’interprète cultive la dimension souterraine de l’Opus 61, avec un incroyable raffinement dans les nuances, et signe une vision inquiète, étrange (fantastique Largo, labyrinthique et en apesanteur), dont on ne sort pas indemne.

Bientôt le virtuose s’embarque dans la sombre et impétueuse 3ème Sonate de Miaskovski – œuvre chère à Richter. Une partition d’un seul tenant dont il domine le flot puissant avec un art des transitions et une plénitude des timbres admirables.

Visions fugitives de Prokofiev : si Alexander Ghindin a excellé dans la miniature juste avec le récital d’A. Paley, ce dernier est bien le maître absolu du genre ce dimanche 5 novembre à Radio France. Il traduit le caractère de chacune des vingt pièces avec la précision de l’entomologiste piquant l’insecte sur la plaque de liège, tout en préservant la fluidité du déroulement jusqu’au Lento irrealmente conclusif. On voudrait tout citer en exemple : l’infinité des coloris du n° 17 Poetico suffit à toute paire d’oreilles normalement constituées pour comprendre à quel niveau de science instrumentale et de poésie – les deux indissociables – on se situe. Vertigineux.

Avec la 2ème Sonate de Scriabine, Paley retrouve un autre auteur cher à cœur (1). Scriabine « première manière » ? Sans doute, mais sous le post-romantisme et l’extraordinaire préciosité de certains détails, de certains traits – préciosité qui n’a rigoureusement rien à voir avec de l’afféterie ou du maniérisme de la part de l’interprète – toute la force agissante de la musique du Russe est déjà présente, mêlée à un profond lyrisme – ben marcato il canto ...
Polka italienne de Rachmaninov (arrangée par A. Paley) et Mélodie de Rubinstein en bis

On se félicite évidemment de la présence d’Alexander Paley en récital à la Maison ronde, mais c’est aux côtés des formations permanentes d'icelle qu'un tel magicien du clavier devrait prendre place de façon régulière.

Alain Cochard

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(1) Alexander Paley a signé une superbe version des Etudes de Scriabine ( 1 CD Naxos)
 
Paris, Maison de Radio France (Grand Auditorium), 5 novembre 2017

Photo © Philippe Matsas

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