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Alexander Paley en récital à Gaveau – Rêver, chanter et brûler – Compte-rendu

Assister à un récital d’Alexander Paley constitue toujours une expérience singulière. Chez le pianiste américain d’origine moldave, ancien élève de Bella Davidovitch, l’interprétation se conjugue à la première personne du singulier. On en trouve un parfait exemple dans la musique pour clavier de Rameau dont l’artiste a entrepris un enregistrement intégral pour le label La Música - le deuxième volume vient de paraître (1).
Nourri de la grande tradition russe dans laquelle il a été formé, Alexander Paley revendique une approche ouvertement romantique. La Suite en mi du Deuxième livre se déploie tel un rêve éveillé. L’homogénéité d’ensemble, la lumière tendre et souvent nostalgique (merveilleux Rappel des Oiseaux) qui baigne l’ouvrage vont de pair avec un sens des caractères qui fait de chaque épisode un fascinant tableau vivant, maîtrisé jusque dans ses moindres détails, avec un admirable contrôle de la palette sonore et un incessant souci du chant.
 
Le piano de Paley est bien celui d’un musicien passionné d’opéra ; l’amour du chant le guide dans Rameau comme dans Liszt. On le comprend dès la Gondoliera de Venezia e Napoli, abordée avec parfait sens de la ligne, avant que ne se déchaîne l’explosion de lumière et de couleurs de l’ébouriffante Tarentella. Et quel lyrisme brûlant met-il dans les trois Sonnets de Pétrarque, trouvant toujours la teinte appropriée pour que l’expression soit à son maximum. Cette intensité du coloris frappe aussi dans les Jeux d’eau à la Villa d’Este.
Que l’on aimerait que Paley nous livre un enregistrement intégral des Années, se dit-on en écoutant cette pièce rebattue, littéralement réinventée sous ses doigts. Il en est de même dans Après une lecture du Dante : vertigineux engagement, prises de risques hallucinantes qui nous mènent au plus près de la source d’inspiration de Liszt. Public subjugué, enthousiaste, et gratifié de trois bis lisztiens : un Grand galop, une Campanella et un Rigoletto emportés avec un feu, une subjectivité et des moyens qu’il n’est pas donné d’entendre tous les soirs.

Notez enfin qu’Alexander Paley sera l’interprète des Diversions op. 21 de Britten le 11 juin à Amiens et le 12 juin à Laon, sous la baguette d’Arie van Beek, et qu’on le retrouvera le 17 juillet au Festival de Montpellier dans un original programme de sonates russes (Medtner, Balakirev, Glazounov, Scriabine). Quant au disque, un programme Medtner/Rachmaninov est annoncé pour la fin de l’année.
 
 
Alain Cochard
 
(1) 1 CD La Música
 
Paris, Salle Gaveau, 21 mai 2015
 
Photo © DR

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