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Alexander Malofeev en récital à la Fondation Louis Vuitton – Sans enjeu – Compte-rendu

Formé comme tant de musiciens précoces à l’Institut Gnessine de Moscou, révélé dans cette même ville par le 8e Concours international Tchaïkovski pour jeunes musiciens en 2014, Alexander Malofeev (photo) n’a pas encore 18 ans et mène déjà une très active carrière internationale. Juste avant de se produire à la Folle Journée de Nantes, il faisait halte à la Fondation Louis Vuitton pour un récital qui nous aura laissé pour le moins réservé.

Son programme débute par le fameux Islamey de Balakirev, mené de manière certes brillante mais bien extérieure et peu soucieuse de la saveur caucasienne du morceau. On voudrait un travail plus poussé sur le timbre, là comme dans la Suite tirée du Casse Noisette de Tchaïkovski par Mikhail Pletnev où une certaine nervosité nuit souvent à la finesse des détails d’une transcription finement ouvragée. Cette virtuosité par trop « sportive » laisse une bonne part de la substance poétique de côté : la Sonate n° 2 de Rachmaninov placée en fin de première partie le confirme, ennuyeuse, fade (le mouvement lent), monochrome et sans électricité.

Après la pause l’Etude « Mazeppa » de Liszt, entachée et nombreuses scories et surtout dépourvue de souffle narratif, mène à la 3e Consolation du même, excessivement étale. Malofeev possède d’incontestable moyens digitaux et d’aucuns pourraient lui envier ceux qu’il déploie dans la Toccata de Prokofiev. Mais là encore, l’au-delà de la musique, la férocité que cet Opus 11 exige manquent. La Doumka de Tchaïkovski, assez banale, assure la transition vers la Sonate n°7 de Prokofiev. Le volet central des « Sonates de guerre » ne peut se contenter d’être rondement mené ; il appelle des visions d’effroi, des images hallucinées. Elles font défaut à une interprétation manquant d’enjeu et trahissant un je-ne-sais-quoi de routinier. Mauvais soir à l’évidence et programme trop lourd pour un si jeune interprète. Les deux extraits des Saisons de Tchaïkovski (Octobre et Novembre) et Ondine de Ravel, donnés en bis, le montrent en tout cas – libéré de la pression –  sous un jour infiniment plus musical et avec des couleurs qui s'épanouissent enfin.

Alain Cochard

Paris, Auditorium de la Fondation Louis Vuitton, 31 janvier 2019

Photo © alexander-malofeev.com

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