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Alceste de Gluck à l’Opéra de Paris – Gens enfin sacrée à Garnier – Compte-rendu
Présentée en 2013, cette production nous avait profondément séduit, malgré la prestation inadéquate de Sophie Koch, et il nous tardait de la revoir. Dans le rôle vocalement redoutable d'Alceste qu'elle a déjà endossé, Véronique Gens – qui, est-ce possible, débute au Palais Garnier ! - trouve matière à déployer son art, tragédienne d'une noblesse infinie, mère aimante et épouse sacrificielle, héroïne flamboyante et résolument humaine. Là où tant d'autres ont buté sur cette tessiture centrale, la cantatrice évolue sans effort apparent, s'appuyant sur une déclamation artistement domptée, une ligne de chant nourrie et un style qui n'appartient qu'à elle.
Digne dès les premières phrases, à la fois colorées et intenses (« Sujets du roi le plus aimé »), l'Alceste de Gens passe par tous les états, de la passion aux affres de la douleur, luttant de toutes ses forces contre les Dieux avec une volonté irréfragable qui nous valent des moments de pure satisfaction musicale, qu'il s'agisse des longs récitatifs ou des airs attendus tels que « Divinités du Styx », « O dieux soutenez mon courage », ou « Ah, divinités implacables ».
Par chance l'esthétique d'une intemporelle abstraction (les dessins à la craie sans cesse exécutés puis effacés, symbolisent le caractère fugitif de toute chose) imaginée par Olivier Py et son décorateur Pierre-André Weitz, met en valeur ses dons de comédienne, son élégance et son frémissement naturel, qui conviennent à merveille à ce personnage bouleversant.
En Admète, Stanislas de Barbeyrac (1) franchit une nouvelle étape dans une carrière en plein essor. Joliment apparié au timbre de sa partenaire, l’instrument du jeune ténor, solide et bien projeté excelle dans ce rôle exigeant. L’interprète doté d'une belle technique affronte sans difficulté l’écriture tendue de ce monarque nerveux, qu'il joue avec un bel engagement et nuance avec raffinement, jusqu'aux retrouvailles finales en forme de happy end plus que contrasté… quant à l’avenir du couple.
A Stéphane Degout revient cette fois le double rôle du Grand Prêtre d'Apollon et d'Hercule (curé et prestidigitateur qu'il chante magnifiquement), ce même Hercule confié en 2013 à Franck Ferrari dont nous venons d'apprendre avec stupeur le décès, entouré par François Lis, efficace Divinité infernale et Oracle et par un excellent quatuor de coryphées constitué par Manuel Nuñez Camelino, Tomislav Lavoie, Chiara Skerath et Kevin Amiel.
Dans la fosse, puis sur scène en seconde partie de soirée pour laisser aux Enfers l'espace nécessaire, les Musiciens du Louvre-Grenoble réalisent les mêmes prodiges qu'il y a deux saisons grâce à l'imagination et au talent de leur chef, Marc Minkowski, qui porte en lui toute les splendeurs gluckistes. Après Orphée et les deux Iphigénie, cette Alceste constitue pour lui un indiscutable sommet.
François Lesueur
(1) Lire l'interview de Stanislas de Barbeyrac : www.concertclassic.com/article/une-interview-de-stanislas-de-barbeyrac-tenor-jaime-me-sentir-investi-theatralement
Gluck : Alceste – Paris, Palais Garnier, 16 juin, prochaines représentations les 23, 25, 28 juin, 1er, 5, 7, 9, 12 & 15 juillet 2015 / www.concertclassic.com/concert/alceste-de-gluck
Photo © Julien Benhamou / Opéra national de Paris
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