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Adriana Lecouvreur à l’Opéra Royal de Wallonie / Liège – Splendeurs et misère de l’artiste – Compte-rendu

 

 

Comme Andrea Chénier, ou Rosenkavalier, Adriana Lecouvreur fait partie de ces opéras qui fantasment le XVIIIe siècle et les porcelaines de Saxe, titre par ailleurs porté par le héros, assez pleutre, de l’œuvre de Francesco Cilea créée en 1902 à La Scala. Il s’agit aussi d’un opéra sur le théâtre, direction choisie par le metteur en scène Arnaud Bernard qui transpose l’action dans les coulisses de la Comédie Française à la Belle-Époque de Proust.
 
© ORW-Liège- J. Berger

Le monumental décor de Virgile Koering laisse apparaître l’ouverture de scène, les cintres, les cabestans. Les scènes intimes voient l’installation à vue d’une partie du foyer des artistes et des loges avec les portraits de Rachel, Sarah Bernhardt, Mounet-Sully, Quinault, etc. Les costumes de Carla Ricotti n’omettent pas un bouton aux guêtres des messieurs du Jockey Club ni une plume aux éventails de leurs maîtresses. La princesse de Bouillon apparaît en culottes et casque d’aviateur, le ballet oublie le menuet et montre la Loïe Fuller et Ida Rubinstein.
 

Anna Maria Chiuri © ORW-Liège- J. Berger
 
Le jeu d’acteurs, bien réglé pour les scènes d’ensemble, tourne au convenu dès qu’il s’agit de fouiller la psychologie des personnages. On frôle même la caricature pour la mort d’Adriana, d’un pathétique outrancier façon actrice de cinéma muet. Mais est-ce dû au metteur en scène ou aux interprètes ?
 
Malgré ces intentions qui rendent la production agréable à regarder, la soirée tourne court tant les trois premiers rôles sont mal distribués. Bien qu’il s‘agisse de chanteurs plutôt jeunes, les voix sonnent fatiguées, notamment Anna Maria Chiuri en princesse de Bouillon. Le Maurizio de Luciano Ganci (photo à dr.), possède une émission difficile et un aigu agressif. Quant à Elena Mosuc (photo à g.), c’est une erreur de casting. Vaillante, claironnante, sa voix de Reine de la nuit, n’a ni le moelleux ni la tendresse que réclame le rôle-titre. Son très attendu « Poveri fiori » ne dégage aucun émoi.
 
 
Pierre Derhet & Mario Denti © ORW-Liège- J. Berger

La direction de Christopher Franklin n’aide personne. Passant sans cesse du tonitruant au survitaminé, elle ignore tout lyrisme, à l’exception du prélude du dernier acte où les pupitres se libèrent enfin. On salue en revanche le Michonnet particulièrement travaillé de Mario Cassi. Et on surveillera avec grand intérêt la carrière du jeune Pierre Derhet dont la prestation en abbé intriguant est remarquable.
 
Vincent Borel
 

 
Cilea : Adriana Lecouvreur – Liège, Opéra Royal de Wallonie, 11 avril ; prochaines représentations les 14, 16, 18, 20 & 22 avril 2023 ( Carolina López Moreno incarnera Adriana les 20 & 22 avril) // www.operaliege.be/spectacle/adriana-lecouvreur-2023/
 
 
Photo © ORW-Liège-J. Berger
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