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​Achante et Céphise de Rameau (Streaming) - Déprogrammé, reprogrammé, mais enfin ressuscité ! – Compte-rendu

D’abord mis à l’affiche du Théâtre des Champs-Elysées pour le 24 mars 2020, tout aussi vainement remis à l’affiche de l’Atelier Lyrique de Tourcoing pour le 12 décembre, Achante et Céphise de Rameau a malgré tout connu la résurrection tant attendue. Cette pastorale n’était jusqu’ici connue qu’à travers une version déjà ancienne (dirigée par Trevor Pinnock en 1983), et l’on se réjouit qu’elle ait enfin pu être reprogrammée, ou du moins que le concert finalement donné au TCE ait pu être filmé et enregistré à huis clos, avec un disque à la clef d’ici quelques mois (1).
 

Sabine Devieilhe © MolinaVisuals

Créé en 1751, Achante et Céphise avait été écrit sur mesure pour les deux stars de l’Académie royale de musique qu’étaient alors Marie Fel et Jélyotte. Deux siècles et demi plus tard, Benoît Dratwicki a trouvé, pour remonter ce Rameau injustement oublié, les complices idoines. D’abord en la personne d’Alexis Kossenko : contrairement à certains de ses collègues, le chef ne ressent nul dédain pour cette œuvre, bien qu’il ne s’agisse pas d’une ambitieuse tragédie lyrique. La vidéo en ligne jusqu’au 27 mars ne présente hélas que des extraits, mais l’ouverture est une des plus originales qu’ait composées le Dijonnais, les divertissements sont aussi réussis qu’on peut le souhaiter, et les dialogues ont cette qualité que l’on admire dans Les Boréades ou Zoroastre. Les Ambassadeurs prêtent à la partition tout le faste auquel était alors habitué le public parisien, avec une basse continue particulièrement nourrie, et certains instruments qui ont reconstitués tout exprès (des clarinettes, qui faisaient alors leurs débuts dans l’orchestre de l’opéra).
 

Cyrille Dubois © Philippe Delval

Si la distribution annoncée pour mars 2020 a dû être un peu modifiée, les deux têtes d’affiche n’ont heureusement pas changé. Après le rôle-titre de Pygmalion pour Christophe Rousset en 2017, et tout récemment celui de Dardanus pour le CMBV à Budapest (le disque vient de sortir), Cyrille Dubois poursuit de la plus belle manière son exploration de l’univers de Rameau, et l’on souhaite qu’il ne s’arrête pas en si bon chemin. Sabine Devieilhe s’était fait remarquer en 2013 avec le disque Le Grand Théâtre de l’Amour, où déjà Alexis Kossenko et ses Ambassadeurs l’escortaient dans une promenade chez Rameau : curieusement, ce n’est pas dans la virtuosité ou dans l’aigu que le personnage de Céphise la sollicite surtout, mais sans doute aura-t-elle apprécié cette occasion de s’exprimer dans un registre moins léger.
 

Les Ambassadeurs © DR

Autour d’eux, on entend la distribution annoncée pour décembre dernier à Tourcoing. Le grand bénéficiaire de l’opération est le baryton David Witczak, qui se voit gratifié d’un rôle de premier plan (et s’en montre tout à fait digne) alors qu’il aurait d’abord dû jouer les comparses. A Judith van Wanroij échoit la fée Zirphile, à laquelle elle prête des accents peut-être plus charnels que prévus, et tout à fait bienvenus. Artavazd Sargsyan brille dans les divertissements et laisse espérer d’autres incursions dans le registre de haute-contre à la française.
Parmi les petits rôles, on remarque notamment le timbre capiteux de Marine Lafdal-Franc. Les Chantres du CMBV apportent une solide contribution aux scènes d’ensemble, et l’on attend avec une certaine impatience le disque qui permettra d’écouter l’œuvre dans son intégralité et de mieux suivre les péripéties du livret.

Laurent Bury

(1) Parution prévue en novembre 2021 chez Erato

Rameau : Achante et Céphise (1751) : Capté à Paris, Théâtre des Champs-Elysées, le 12 décembre 2020. Disponible en replay sur www.youtube.com/watch?v=cTNUPRRjxvE

Photo © Caroline Doutre

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