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5e biennale de Quatuors à cordes à la Cité de la musique - Ferveur partagée - Compte-rendu

En dix-neuf concerts répartis sur une semaine, la biennale de Quatuors à cordes organisée par la Cité de la Musique est un événement qui permet non seulement de confronter en un vaste panorama les grands classiques du répertoire avec des œuvres contemporaines, mais aussi d’accueillir des formations de légende (Arditti, Borodine, Ysaÿe, Takács, Prazak, Hagen, Tokyo, Kronos …) et les jeunes ensembles en pleine ascension (Thymos, Voce, Diotima, Ebène, Modigliani, Tetraktys, Casals…).

Fil d’Ariane de ces rencontres, l’intégralité de quatuors de l’Allemand Wolfgang Rihm né en 1952 - et présent durant toute la biennale - dont le geste créateur s’inscrit dans la descendance beethovénienne. On retiendra la création mondiale de son 13ème Quatuor (2011), d’une seule coulée de vingt-cinq minutes. Le lyrisme y est contrebattu par un rythme impitoyable et une tension expressive aux entrelacs complexes magnifiée par l’expérience des archets incisifs de l’Arditti Quartet (photo).

Pour sa part, le Tokyo String Quartet se montre particulièrement homogène, délivrant de véritables leçons de style aussi bien dans le Quatuor « La Chasse » de Mozart que dans le Quatuor n°3 de Bartók. Le summum est atteint avec le Quatuor n°15 de Beethoven aux phrasés amples et aux persuasives impulsions rythmiques.

Le Quatuor Ebène privilégie souvent la beauté sonore et la pureté de la ligne aux dépens de l’intensité (Quatuor « Rosamunde » de Schubert). Il fait preuve d’élégance dans les éclairages très subtils du Quatuor n°1 de Tchaïkovski sans ce soupçon de verdeur slave si authentique.

L’acuité et la puissance sonore sont en revanche l’apanage du Quatuor Borodine, d’une souveraine implication dans les Quatuors n°8 et 9 « Razumowsky » de Beethoven comme dans la pièce de Rihm intitulée Grave – In memoriam Thomas Kakuska (2005), requiem en hommage à l’altiste du Quatuor Alban Berg décédé la même année.

Equilibre et cohérence définissent le jeu du Quatuor Takács (roboratif Quatuor « L’Alouette » de Haydn et liberté de ton exceptionnelle dans l’aérien Quatuor n°3 de Britten). Dans le Quintette à deux violoncelles de Schubert qui bénéficie de la participation de Marc Coppey, la violence tragique semble l’emporter sur la pure séduction viennoise, mais le tempérament des musiciens emporte l’adhésion.

De tels moments portent haut le genre de la musique de chambre. Le public ne s’y trompe pas ; il suit cette manifestation tous les deux ans avec une ferveur qui ne se dément pas.

Michel Le Naour

Paris, Salle des Concerts de la Cité de la musique, 17-19-20-21 janvier 2012

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Photo : Astrid Karger
 

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