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31e Printemps des Arts de Monte-Carlo - L'esprit de découverte - Compte-rendu

Le Printemps des Arts de Monte-Carlo s'est ouvert pour quatre semaines de propositions musicales et artistiques innovantes. Marc Monnet, directeur artistique de la manifestation, cherche depuis toujours à insuffler l'esprit de découverte à son public en l'entraînant dans des lieux et des formes inattendus.

Marc Monnet © DR

Lui-même compositeur, Marc Monnet sait l'importance qu'il y a à faire vivre la musique d'aujourd'hui. Il refuse cependant d'isoler la musique contemporaine du reste du répertoire et fait au contraire le pari que c'est la confrontation des styles et des époques qui permet au public d'exercer son propre jugement.
 
Le concert du 22 mars ne peut que lui donner raison. Deux créations sont au programme. La Carmagnole de Gérard Pesson est aussi vive et rythmée que Reverse de Gilbert Nouno est étale sinon statique, une démonstration virtuose et ludique contre une introspection sonore. Les relie cependant, outre la précision d'exécution des musiciens de l'ensemble Cairn dirigés par Guillaume Bourgogne, un certain goût pour la fantaisie, pour l'accident : résurgence d'un thème en filigrane chez Pesson, volutes sonores traversées par les crépitements de l'électronique chez Nouno.

Entre ces deux œuvres, l'ensemble Stravaganza prend le relai, dans l’acoustique assez ingrate du Grimaldi Forum (Salle Prince Pierre) qui semble parfois faire perdre aux musiciens un peu de leur allant. Au programme, des pages de Bach (Sonate BWV 1023 pour violon et continuo) Johann Adam Reinken (Hortus musicus I & IV) et Dietrich Buxtehude (Sonates BuxWV 271 & 266 pour deux violons, viole de gambe et basse continue et Sonate en trio op. 2 n° 3). Ces pièces, qualifiées à juste titre de « fantaisies » par David Christoffel lors de la conférence d'avant-concert, foisonnent d'invention à prennent à certains moments des directions surprenantes.
 
Dès l'ouverture, le 20 mars, de cette 31e édition du Printemps des Arts, Marc Monnet avait joué de cet étrange mélange des époques avec un concert en deux parties. La création de François Bayle, Deviner/devenir, d'une écriture électroacoustique un peu lâche, donnée dans le Musée océanographique, préludait ainsi à la Passion selon Saint Jean de Bach qu'accueillait la Cathédrale de Monaco.

Une intéressante mise en écoute qui, peut-être, prédisposait à accueillir l'interprétation chambriste, pleine de douceur – c'est une évidence dès l'introduction du premier chœur – de La Petite Bande de Sigiswald Kuijken. La qualité de cette Passion doit beaucoup à la vaillance du ténor allemand Stephan Scherpe, qui alterne, en un état de grâce permanent, le rôle de l'Évangéliste et les parties chorales. Cette belle lecture intimiste, à une voix par partie, a cependant les défauts de ses qualités et, malgré la qualité du continuo, la tension retombe parfois. Mais c'est dans l'ensemble une interprétation lumineuse.
 
Au côté de Bach, deux autres compositeurs seront mis en avant durant tout le festival, qui court jusqu'au 12 avril : le Finlandais Jean Sibelius (1865-1957) et l'Italien Franco Donatoni (1927-2000). Les deux étaient réunis pour le concert de l'Orchestre philharmonique de Monte-Carlo donné le 21 mars à l'Auditorium Rainier III. Là encore, les notes détachées, les contrastes et discontinuités de Voci de Donatoni sont une bonne manière d'orienter ensuite l'écoute des œuvres de Sibelius.
 
Sous la direction claire, brillante et passionnée de Jean Deroyer (photo), l'orchestre aborde deux œuvres très rarement jouées : Les Océanides d'abord, poème symphonique de 1914 dont la construction par vagues successives semble annoncer la Septième Symphonie en même temps qu'elle évoque La Mer de Debussy. On se demande surtout pourquoi la Troisième Symphonie n'est pas davantage inscrite au répertoire des orchestres : sous ses dehors de pastorale et avec sa forme d'un classicisme apparent, elle est écrite tout en virevoltes et réminiscences et avec, dans le mouvement lent, une invention rythmique qui va, avouons-le, bien au-delà de la Valse triste. Dans l'interprétation magnifiquement engagée qu'en donne Jean Deroyer, c'est une véritable révélation.
 
Jean-Guillaume Lebrun
 
Monaco, les 20, 21 et 22 mars 2015.
31ème Printemps des Arts, jusqu'au 12 avril : http://www.printempsdesarts.mc
 
Photo Jean Deroyer © Virginie Meigné

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