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3 Questions à Elina Garanca, mezzo-soprano
Wotan en aurait rêvé : grande, blonde, ardente, éclatante, elle eût été sa vaillante fille comme personne. Mais les cordes vocales en ont décidé autrement : Rosine plutôt que Brünnhilde, la Lettone Garanca est mezzo, définitivement ! Le monde de prédilection, pour cette fille venue du froid, se situe loin vers le Sud, là où résonnent les castagnettes. La voici donc, en pleine ibérofolie, incarnant une Carmen brune et brûlante qu’un DVD(1) vient populariser après son succès au Met de New York, et se promettant de réchauffer le TCE avec ses airs glanés en Méditerranée, en contrepoint de son nouveau CD (2), lui aussi marqué au sceau de l’Espagne. Une force de la nature dont on reste bousculé, dynamisé.
D’où vous vient cette passion pour l’Espagne ?
C’est le soleil. J’adore la Lettonie et nous avons là-bas une culture musicale intéressante, mais que personne ne connaît, à cause de la langue pour les mélodies notamment. J’essaierai plus tard, peut-être, d’en glisser dans mes récitals. Mais une chose est sûre : le climat n’y est guère enthousiasmant et les gens sont très réservés. Alors que là-bas, dans le sud de l’Espagne, c’est la vie qui explose et donne une joie incomparable. J’y ai d’ailleurs une maison maintenant.
Cette Carmen si peu conventionnelle que vous incarnez, comment l’avez-vous construite ?
Je l’avais incarnée plusieurs fois déjà, et travailler avec Alagna est un bonheur, car il fait tout pour aider sa partenaire. Mais cette Carmen, je la porte en moi depuis l’enfance, lorsque j’ai reçu le choc du film de Rosi avec Julia Miguenes. C’est elle qui m’a inspirée par son côté frontal, provocant, sans sophistication, et totalement libre. Et chaque air y est si différent qu’il faut harmoniser son mode d’expression pour le rendre vrai. De plus, j’aime ce rôle mobile : j’ai autrefois voulu apprendre la comédie musicale, et j’aurais aimé faire rire, ce qui est sans doute plus difficile que de faire pleurer. Mais si vous me voyez danser, croyez que cela n’a pas été sans peine ! Le chorégraphe Christopher Wheeldon nous a demandé de bouger, puis il s’est adapté à notre façon d’être, mais il m’a épuisée malgré tout. Du coup, ce fut profitable, à coup de jogging et de gymnastique !
Votre voix dans Carmen frappe par son ampleur et sa couleur chaude. Comment ressentez vous son évolution ?
Incontestablement, je constate des changements : ma voix ne cesse de s’élargir, pas vers les aigus mais en amplitude. Et je ne veux plus du tout chanter Rossini, qui la maintient dans des limites étroites. Certes, ce fut excellent au début, par l’agilité et la netteté de diction qu’il imposait. Mais maintenant, il serait préjudiciable à mon évolution. Mes rôles désormais, ce seront Dona Elvira, Eboli, et je rêve d’Amnéris. Quant au répertoire français (qu’elle chante comme une native de Blois, ndlr) je l’adore : je suis attachée à Charlotte, à Marguerite, je dois faire la Navarraise de Massenet et en 2013, ce seront Les Troyens à Berlin. Même si je ne parviens pas encore à parler votre langue, je la chante avec bonheur. Et pour m’améliorer, je me suis notamment imprégnée des inflexions de Roberto. J’ai une très bonne mémoire…
Propos recueillis par Jacqueline Thuilleux, le 3 septembre 2010
Bizet : Carmen, avec Roberto Alagna, Barbara Frittoli et Teddy Tahu Rhodes, Orchestre du Metropolitan Opera, dir. Yannick Nézet-Séguin (DVD DG)
« Habanera » : Orchestre Symphonique national de la RAI, dir. Karel Mark Chichon , (1 CD DG).
Récital (dans la séries « Les Grandes Voix »)
Avec le Latvian National Symphony Orchestra, dir. Karel Mark Chichon.
Paris – Salle Pleyel
5 octobre 2010 – 20h
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