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21e Festival « Le Temps d’Aimer la Danse » à Biarritz - Aux quatre vents - Compte-rendu

Difficile de faire le décompte de tout ce qu’a présenté ce joyeux et inventif festival sur les scènes biarrotes depuis deux décennies. L’océan partout claque, son air donne de la légèreté aux tentatives de chorégraphes en mal de devenir, de la grandeur aux réalisations plus abouties. Tout se côtoie avec souplesse, mais avec la vivacité d’un terroir sensibilisé à la chose dansante. Le Temps d’aimer la Danse, géré par Thierry Malandain, le talentueux chorégraphe implanté dans les beaux studios de la Gare du midi, où un Centre chorégraphique a été créé pour lui, est un vrai trésor biarrot. Et outre la vingtaine de compagnies qui se sont succédées cette année en apportant le souffle des îles lointaines ou celui d’Israël, de la Côte d’Ivoire ou du Pays du matin calme, Malandain lui a offert cette fois sa dernière création, Lucifer, sur une musique spécialement composée par Guillaume Connesson, jouée par l’Orchestre de Pau et Fayçal Karoui, lesquels accueillent Connesson en résidence, et dansée avec l’engagement total du vigoureux Malandain Ballet Biarritz.

De ce ballet ambitieux, on retiendra des instants de lumière, des éclairs fulgurants de beauté et de sensualité, avec notamment un magnifique pas de deux où l’ange goûte aux charmes d’une mortelle qui entraînera sa perte. Les ensembles, bâtis sur des idées puissamment expressives, structurent clairement l’évolution du drame mystique, pour lequel Malandain, subtil penseur et lettré, est allé chercher dans le livre d’Henoch un appui pour son héros, proche de Prométhée, puni comme lui pour avoir touché à la connaissance. La musique de Connesson, admirable orchestrateur, provoque avec une force dynamique digne d’un Stravinski, swingue comme du Bernstein, secoue comme du Roussel, et chatoie comme du Connesson. Le reste du programme, ibérique à la mort à la vie, a montré le Boléro imaginé par Malandain comme une grande secousse impulsée à un groupe prisonnier de parois de verre dont il finit par se libérer, et l’âpre Amour Sorcier, pièce maîtresse de son répertoire, où des femmes piétinent dans des feuilles brûlées, pur condensé de passions et de désespoirs.

Le lendemain, divine surprise en contrepoint de ce programme noir avec la fluidité d’une petite compagnie qui mérite de beaucoup plus grands moyens, le Ballet d’Europe dirigé par Jean- Charles Gil, prodigieux danseur qui illumina la compagnie de Roland Petit, puis l’American Ballet et le Ballet de Monte Carlo, et chorégraphe ouvertement méditerranéen: du néo classique sans lourdeur ni componction, l’union heureuse des corps dansants et de la musique, et une profonde connivence de douze jeunes gens venus de partout, dont les corps superbes n’affichent rien de caricatural dans leur lignes ni de convenu dans leur parcours. Un jaillissement jubilatoire. Le public a scandé sa joie après Folavi, sur Vivaldi, s’est laissé envoûté par les chants grecs de Theodorakis, pour Comme un souffle de femme, et a apprécié l’intensité d’un duo d’hommes, Un peu plus loin, dû à la patte prometteuse du jeune Christophe Garcia. On en redemande.

Jacqueline Thuilleux

21e Festival Le Temps d’aimer la Danse – Biarritz, les 11 et 12 septembre, représentations jusqu’au 18 septembre 2011/ www.letempsdaimer.com

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Photo : Olivier Houeix
 

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