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20e Festival Messiaen au pays de La Meije – Murail chez Messiaen – Compte-rendu

Invité cette année du Festival Messiaen, Tristan Murail, l’un des fondateurs du courant spectral et disciple du Maître, fête ses soixante-dix ans. Au programme figurent une dizaine de ses pièces, dont le Quatuor à cordes « Sogni, ombre et fumi » interprété en première mondiale les Diotima. Selon une tradition établie, la programmation associe à l’œuvre de Messiaen un large éventail de compositions d’hier et d’aujourd’hui du compositeur invité, ouvrant des perspectives sur les musiques du monde entre Résonance, Son, Couleur, Harmonie et Timbre.

Vanessa Wagner, Marie Vermeulin & François Meimoun © Colin Samuels
 
A deux pianos sous les voûtes de l’église de la Grave, Marie Vermeulin et Vanessa Wagner offrent un récital dense d’où se détache Hora de François Meïmoun (né en 1979), une commande du festival influencée par les mouvements de la danse et l’énergie vitale. Les Visions de l’Amen de Messiaen (1943), sept moments contrastés d’une grande portée métaphysique, sont servies une exécution flamboyante où la sauvagerie des rythmes balinais prend parfois le pas sur la spiritualité extatique.

Tristan Murail © Colin Samuels
 
Le lendemain, Lorenzo Soulès (photo) – vainqueur du Concours de piano de Genève en 2012 à l’âge de vingt ans –, concentré et intense, interprète la Dixième Sonate de Scriabine avec un constant souci des couleurs et une progression dynamique impressionnante. La Mandragore de Tristan Murail (1993) – pièce qui, comme l’écrit l’auteur, « pousse à l’ombre du Gibet de Ravel » – est servie par un jeu subtil, clair, au toucher équilibré, sachant déployer tout un arsenal sonore. Même réussite enfin dans Gaspard de la Nuit, que le jeune artiste conduit avec une remarquable économie de moyens et une assurance dénuée d’effet.
 

Corey Cerovsek & Paavali Jumpannen © Colin Samuels

Lors du concert de musique de chambre du soir, la Sonate pour violoncelle de Debussy prend des allures expressionnistes sous l’archet de Jan-Erik Gustafson, brillamment accompagné par Paavali Jumpannen. Ce dernier manifeste la même autorité dans la Sonate pour violon du même, en compagnie du Canadien Corey Cerovsek - sonorité de rêve sur son Stradivarius « Milanollo » (un instrument ayant appartenu à Paganini et Ferras). Le clarinettiste finlandais Christoffer Sundqvist déclenche l’enthousiasme dans la ludique et déclamatoire Sonate pour clarinette et piano (2011) de son compatriote Sebastian Fagerlund (né en 1972), une réalisation aux effets démoniaques mais un peu surfaits. En seconde partie, l’interprétation Quatuor pour la fin du Temps de Messiaen par les mêmes artistes, atteint une perfection technique à couper le souffle mais se révèle quelque peu extérieure pour qui se souvient des contingences tragiques ayant présidé à la naissance de ce chef-d’œuvre.
 
En parallèle, un colloque sur le Saint-François d’Assise de Messiaen dans la salle de conférence du Jardin botanique du Lautaret (à 2100 mètres d’altitude face au superbe glacier de La Meije) permet, sous l’œil bienveillant de la médiatrice Catherine Massip, de revivre la création de la partition et d’approcher ses principaux thèmes. On y relève une intervention informée de Thomas Lacôte, musicologue et actuel titulaire de la tribune de l’Eglise de la Trinité.
 
Dans le centre du village de La Grave, une exposition rappelle avec justesse les grandes heures du Festival (les lettres d’Yvonne Loriod lors la première édition, celles de Boulez à l’occasion de sa venue en 2010, les éloges de Crumb découvrant le Quatuor pour la fin du Temps, des affiches, des photographies, etc.). Un témoignage de première main sur l’originalité d’une manifestation qui, grâce à l’engagement de Gaëtan Puaud, son fondateur et directeur, bénéficie d'une audience de plus en plus large comme en témoigne la présence d’un public nombreux et passionné.
 
 
Michel Le Naour

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La Grave, église, 28 et 29 juillet 2017
 
Photo (Lorenzo Soulès) __©COLIN SAMUELS_

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