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17ème Festival de Pâques de Deauville - Galop et petit trot - Compte-rendu

Deauville et ses recrues jeunes et toujours jeunes, c’est, bien mieux qu’un réseau, une résille : s’y accrochent en cascades les talents d’une garde montante, protégée par des aînés qui ont atteint au statut de grands, les Pernoo, Berthaud, Ducros et bien sûr la star Renaud Capuçon. Et tout s’y passe en légèreté, tout s’y relie souplement, parce que le cœur y est, celui de son directeur, Yves Petit de Voize, valsant sur les flots avec une inventivité jamais en défaut. Ses hordes de jeunes artistes ont séduit les forces vives de la cité, et de nombreux mécènes, tout autant qu’un public ravi qui se pelotonne dans la salle Elie de Brignac. Au bout de la démarche, pléthore d’émotions nouvelles, de musiques peu galvaudées, d’artistes à l’orée de leur carrière. Car ici point ne prévaut l’effet star, ni le culte du chef-d’œuvre, il faut juste rester en éveil face à la découverte qui va pointer ses notes par moments, tandis que d’autres glisseront dans nos mémoires. C’est la loi du genre.

Mais d’abord les maîtres, qui encadrent leurs cadets et les guident autant qu’ils les motivent : pour cette fin de session, le Festival retrouvait son étoile, l’archet de Renaud Capuçon qui fut à l’origine de ce Festival de Pâques, en 1996. Et pour magnifique que soit le soliste, l’aîné des Capuçon n’est jamais plus émouvant que lorsqu’il marie sa personnalité généreuse et son style rigoureux à d’autres tempéraments. Il a ici partagé la beauté ardente, la richesse rythmique et mélodique du Quatuor pour piano et cordes n°3 de Brahms, avec une nouvelle étoile, celle de l’altiste Adrien La Marca, outre le panache du violoncelliste Edgar Moreau, 19 ans, déjà couvert de distinctions et d’engagements depuis son 2e prix au Concours Tchaïkovski, il y a deux ans, et l’élégance bien dosée du pianiste Guillaume Vincent, 23 ans, bourré de récompenses lui aussi.

Réjouissant également le choix d’une œuvre de Vaughan Williams, son Quintette de 1898, qui marie de façon surprenante le cor et la clarinette au trio classique violon, violoncelle, piano. Y rayonnait la magnifique sonorité d’Amaury Coeytaux, un « vieux » de 29 ans, à la carrière de soliste importante dans le monde, et depuis cette année, violon solo au Philharmonique de Radio France. Une ampleur, une richesse, qui s’imposent sans faille. Au sein de la talentueuse équipe constituée par François Lemoine (clarinette) et Julien Desplanque (cor), appuyés sur la classe d’Ismaël Margain au piano et la sensibilité vibrante de Bruno Philippe au violoncelle. On a en revanche été un peu déçu par le Trio pour piano et cordes, opus 70 n°2 de Beethoven, œuvre qui n’est pas la plus marquante du compositeur et de ce fait, demande une union plus nourrie que celle constituée par le Trio Les Esprits. Comme si les sons ricochaient au lieu de se marier, la finesse pointue de Mi-Sa Yang au violon se perdait entre la présence puissante du violoncelle de Victor-Julien Laferrière et la frappe un peu trop corsée d’Adam Laloum.

La veille, le quota féminin avait été largement respecté, grâce au quatuor Ardeo, et ses quatre belles jeunes femmes, épaulées par le magistral alto de Lise Berthaud, elle aussi un des piliers du festival et aujourd’hui gloire française. On en a ressenti toute la beauté charnue dans l’Elegy d’Elliott Carter, avant les huit minutes du Quatuor I de François Meïmoun, à méditer, et un Fauré un peu languissant dans le Quintette n°1 pour piano et cordes. Le charme de la soirée, cependant, n’en a pas été affecté, tant le public mesure sa chance de voir ainsi s’épanouir cette nouvelle lignée d’interprètes.

Jacqueline Thuilleux

Deauville, Salle Elie de Brignac, 10 et 11 avril 2013

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Photo : Claude Doaré. De g. à d. : Renaud Capuçon, Guillaume Vincent, Adrien La Marca, Edgar Moreau
 

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