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15ème Festival de Pâques de Deauville - Le plaisir et le style - Compte-rendu


Le violoncelle de Yan Levionnois (né en 1990) allié au piano de Bertrand Chamayou, la trentaine tout juste sonnée et un parcours exemplaire qui le range parmi les meilleurs de sa génération : le tandem formé pour l’Elégie n°2 et La Lugubre gondole de Liszt symbolise le permanent enrichissement du Festival Pâques de Deauville où, tous les ans, le flair d’Yves Petit de Voize conduit de nouveaux talents à s’agréger à la magnifique équipe de musiciens constituée depuis 1997.

Dans les lumières étranges et blafardes de ces Liszt tardifs, l’archet magique de Levionnois, capable de la pureté la plus immatérielle comme des accents les plus incarnés, fait merveille, porté par un pianiste attentif. Avec Levionnois et Victor Julien-Lafferrière, lui aussi né en 1990 et élève de Philippe Muller, deux des grands violoncellistes de demain auront pris leur envol dans le cadre du Festival de Pâques.

L’année 2011 constitue un cap important pour Bertrand Chamayou. D’aucuns se souviennent de l’intégrale des Etudes d’exécution transcendante que le pianiste toulousain donna souvent à ses débuts… Le bicentenaire Liszt va être l’occasion d’une autre intégrale, celle des Années de Pèlerinage, qu’il jouera beaucoup dans les mois à venir en concert (un enregistrement est en préparation chez Naïve). Angelus, Aux Cyprès de la villa d’Este, Les Jeux d’eau à la villa d’Este : les extraits de la Troisième Année retenus pour le concert deauvillais ne font qu’attiser l’envie d’entreprendre le voyage complet en compagnie d’un tel guide. Hauteur de vue, densité du son, poésie mystérieuse et rejet de toute ostentation : ce propos quintessencié ferait presque oublier les méfaits d’un accordeur que la politesse nous empêchera de qualifier.

Sorte de rituel du Festival de Deauville, le deux pianos de Chamayou avec son compère Jonas Vitaud est cette année dédié à la Sonate pour deux pianos et percussions de Bartok, donnée avec le concours d’Hélène Colombatti et François Desforges. Les pianistes ont déjà abordé l’ouvrage ; le bonheur des retrouvailles avec la partition du Hongrois est palpable. Bien aidés par leurs excellents partenaires, ils savent faire jubiler – rêver aussi quand il le faut - rythmes et sonorités. Face à l’enthousiasme du public, le final est bissé, plus libre encore que la première fois. Quand le plaisir et le style font bon ménage…

L’intérêt du Festival de Deauville est aussi d’amener de jeunes interprètes à se confronter à des œuvres exigeantes, à les mûrir. Après un très tendre Quatuor op 20 n°5 de Haydn, le Quatuor Ardeo s’attaque au Quatuor n°2 de Bartok. Plus de tension, de teintes plus vives permettraient de mieux en souligner les beautés. Paris ne s’est pas fait en un jour…

En second partie, le pianiste David Kadouch s’associe à Carole Petitdemange – second violon du tout féminin Quatuor Ardeo – et à Yann Levionnois. Fine équipe (photo) pour un Trio «A l’Archiduc » de facture résolument classique. Une lumineuse complicité et un sens du détail jamais maniéré singularisent une interprétation équilibrée, heureuse, à laquelle le propos structuré mais jamais envahissant de David Kadouch offre une parfaite assise. Le plaisir et le style, une fois de plus, dans un Beethoven à l’unisson d’une Normandie éblouie par un printemps… estival.

Alain Cochard

Deauville, théâtre du Casino, les 22 et 23 avril 2011.

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Photo : DR

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