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Paris - Compte-rendu : Un « Jeunehomme », des adieux


Il est des soirs comme ça, où des pages se tournent, des chapitres se terminent... Au terme de cinquante ans de carrière, Alfred Brendel a définitivement pris congé du public parisien lors d’un concert partagé avec l’Orchestre de la Tonhalle de Zurich placé sous la baguette de son directeur musical David Zinman. Pour cet ultime concert, le choix du pianiste s’est porté sur le 9ème Concerto pour piano « Jeunehomme ». Difficile de ne pas discerner un brin de malice dans le choix de l’ouvrage de la part d’un artiste né en 1931…

Après une souriante entrée en matière avec la Ritirata notturna di Madri de Boccherini arrangée par Luciano Berio, pièce où Zinman fait montre d’un contrôle dynamique absolu sur son orchestre – et quel orchestre ! -, la grande silhouette un peu dégingandée de Brendel prend place au clavier. Que de fois a-t-il donné le KV 271 en concert ! Et pourtant son étonnement demeure face à l’un des concertos les plus inventifs de Mozart du point de vue structurel. Myope Brendel ? Sans nul doute, mais le regard qu’il porte sur la partition s’avère toujours aussi aiguisé ; mêlant intelligence et sensibilité dans une interprétation qui savoure les détails harmoniques, attentive à la respiration.

Accueil chaleureux et visiblement ému d’un public gratifié de deux inoubliables bis : le Moment Musical n°2 de Schubert et Au lac de Wallenstadt de Liszt – où les reflets irisés de l’étonnant piano que l’artiste touche font merveille - ; la poésie à l’état pur. Mozart, Schubert, Liszt : les choix du cœur…

Outre le bonheur de passer une dernière soirée en compagnie d’Alfred Brendel, le concert coproduit par Piano **** et Pleyel aura eu l’immense mérite d’amener des auditeurs à découvrir un chef et un orchestre de premier ordre dans la Symphonie n°1 « Titan » de Gustav Mahler. Rétive à tout pathos de la première à la dernière note, la conception de David Zinman frappe par sa modernité et sa densité. Confronté à pareille intelligence de l’approche, l’auditeur voit se profiler tout le corpus symphonique de Mahler dès ce premier maillon. Rien de forcé, de surligné, mais un souci du détail, une clarté de la mise en place qui ouvrent un perspective nouvelle sur une œuvre dont le chef maîtrise tous les ressorts avec une impressionnante économie du geste et une poésie infinie. Il est vrai que, même si d’aucuns l’oublient parfois, Zinman est l’une des très grandes baguettes de ce début de siècle.

Alain Cochard

Salle Pleyel, le 6 octobre 2008

Programme détaillé de la Salle Pleyel

Photo : Frédérique Toulet / Salle Pleyel

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