Journal

Llyr Williams en récital à Piano aux Jacobins - Un maître à découvrir (par les Français) - Compte-rendu

Des apparitions régulières dans tout le Royaume-Uni, aux Etats-Unis, en Allemagne, au Japon, mais seulement deux récitals chez nous jusqu’ici… A l’évidence la France est pour le moment - presque totalement - passée à côté d’un des pianistes majeurs de la scène britannique : Llyr Williams. On ne s’étonne pas en tout cas que le découvreur Festival Piano aux Jacobins de Toulouse l’ait une première fois invité en 2011, avant de le convier à nouveau dans le cadre de sa 34ème édition. Nous l’avions manqué il y a deux ans ; les échos de son passage dans la ville rose n’ayant fait qu’attiser nos regrets il était exclu de rater le rendez-vous cette fois-ci. Bien nous en a pris, car cette soirée au Cloître des Jacobins aura montré dans toute sa grandeur l’art d’un splendide maître du clavier et d’un musicien consommé.

Né en 1976, ancien élève de Hamish Milne – disciple de Guido Agosti et grand medtnerien devant l’éternel – à la Royal Academy of Music, le pianiste gallois, par la sobriété de son jeu, ne peut que déconcerter les amateurs de shows, de grimaces néogouldiennes, de regards implorants tendus vers le ciel, de bras chasseurs d’insectes, etc. Aucune importance, les vrais connaisseurs de piano comprennent pour leur part vite à qui ils ont affaire avec cet artiste aux allures de prêtre anglican timide derrière ses grosses lunettes : économie du geste, mains toujours très proches du clavier, sachant aller chercher le son et la couleur au fond de la touche, mais sans aucune pesanteur, pédalisation stupéfiante de subtilité.

Familier depuis longtemps avec l’univers beethovénien, Llyr Williams a donné à plusieurs reprises l’intégrale des Sonates en concert (au Festival d’Edimbourg en 2011 par exemple). La 22ème en fa majeur, lumineux moment de détente entre deux des plus impressionnants édifices du Titan de Bonn : « Waldstein » et « Appassionata », ouvre la soirée. Que de richesses découvre-t-on dans deux courts mouvements que le Gallois explore avec une clarté exempte de sécheresse ; une lumineuse intelligence. Sonorité riche, bien projetée, sans aucune dureté, modelé parfait de la phrase ; la vivacité et le sens poétique du musicien donnent tout son relief à une sonate qui n’est « petite » que par ses dimensions. Luminosité encore avec la « Waldstein » dans laquelle Williams s’embarque – et nous embarque ! - ensuite avec une totale simplicité. On prend la mesure de la modernité de Beethoven dans son rapport au timbre instrumental en savourant la capacité du pianiste à faire vibrer les couleurs. Et quelle magique façon, dans l’Introduzione, de préparer l’éclosion de Rondo final – pris dans un tempo plutôt retenu -, qui se déploie avec radieux mélange de calme et de grandeur – une prière sur l’Acropole.

Fabuleuse adéquation que celle qui s’établit chez Llyr Williams entre les moyens pianistiques et la pensée musicale ; les premiers - jamais imbus d’eux-mêmes – ne gênant jamais l’expression de celle-ci.

La seconde partie du concert l’illustre à nouveau, occupée par des transcriptions lisztiennes. Avec elles, l’artiste gallois revient à ce qui fut à la source de sa vocation musicale : les opéras de Verdi et de Wagner – à moins de dix ans, il avait déjà fait la visite complète du Ring et des Meistersinger ! Llyr Williams aime le chant, passionnément, et fait sonner L’Entrée des hôtes à la Wartburg, la Romance à l’étoile, le Rêve d’Elsa ou la Liebestod avec un lyrisme et force d’émotion irrésistibles (on n’a pas souvenir d’un Rêve d’Elsa pianistique aussi habité), mais d’une façon inhabituellement décantée. Le côté « performance », «as-tu-vu-mes-belles-octaves-? » que peut facilement prendre l’Entrée des hôtes disparaît au profit d’une élégance et d’une noblesse que l’on n’admire pas moins dans deux paraphrases verdiennes (Rigoletto, Trouvère) tout aussi abouties.

Généreux bis, la 4ème Sonate de Scriabine - au Prestissimo vraiment volando ! - conclut en beauté.

Un récital à marquer d’une pierre blanche dans le cours du 34ème Festival Piano aux Jacobins. Il se prolonge jusqu’au 28 septembre et il est temps encore d’aller écouter Luis Fernando Pérez, Romain Descharmes, Elisabeth Leonskaja, Richard Goode ou Joaquin Achucarro !

Alain Cochard

Toulouse, Cloître des Jacobins, 11 septembre 2013
www.pianojacobins.com

Site officiel de Llyr Williams : www.llyrwilliams.com

> Vous souhaitez répondre à l’auteur de cet article ?

> Lire les autres articles de Alain Cochard

Photo : E. Ottermans

Partager par emailImprimer

Derniers articles