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​Victor Demarquette en récital au théâtre des Abbesses – Radieuse présence – Compte-rendu

 

Le piano était roi le 9 novembre au théâtre des Abbesses au cours une journée organisée dans le cadre des Concerts des Lauréats de l’Artist Diploma de l’Ecole Normale de Musique de Paris-Alfred Cortot. C’est dans cette institution que Victor Demarquette (photo) a, depuis l’âge de 7 ans et jusqu’à tout récemment, effectué son cursus musical sous la conduite d’une immense pédagogue qu’il n’est plus besoin de présenter : Rena Shereshevskaya. Il se perfectionne désormais auprès de Claudio Martínez Mehner à la Musik-Akademie de Bâle.
Shereshevskaya a encore fait des miracles, se dit-on en découvrant ce pianiste de 21 ans. S’il est une « école » Shereshevskaya, c’est bien celle consistant à être soi et à manifester une totale présence au son et à l’acte interprétatif : Victor Demarquette en a offert une probante illustration dans Schumann, Mozart et Chopin.

 
Feu et émerveillement
 
Elan de la jeunesse : quelle manière de s’emparer du Carnaval de Vienne ! Un Schumann impatient, impétueux mais impeccablement maîtrisé dans son foisonnement polyphonique. Equilibre des mains, sens des voix médianes, liberté et concentration du geste : sur un très beau Bösendorfer dont il sait exploiter la richesse des coloris, Victor Demarquette éveille la musique avec une énergie contagieuse. Avec une profonde poésie aussi comme le prouvent la Romance, pleine d’onirisme, ou cet Intermezzo parcouru d’un frémissement qui signale un schumanien de premier ordre. Jusqu’à la dernière mesure de l’Opus 26, on est tenu en haleine par un mélange de feu et d’émerveillement : on s’impatiente d’entendre le jeune interprète dans le Carnaval op. 9 bien sûr, mais plus encore dans les Kreisleriana ou l’Humoresque !

> Les prochains concerts "Schumann" au piano <

 

© DR

 
Mozart tel qu’on en voudrait plus souvent ...
 
Mozart ... Un compositeur – avouons-le – que l’on craint en récital tant on y a entendu de déférents et rasants enfilages de perles ... Rien de cela avec la Sonate en si bémol majeur KV 333 sous des doigts d’une intelligence et d’une musicalité telles que l’on en n’entend pas tous les jours. Victor Demarquette se souvient de l’homme de théâtre que le musicien autrichien était avant tout. Son clavier devient une scène, les thèmes des personnages, les inflexions du tempo des airs ou des récitatifs. Esprit, vie, humanité : tout y est, tout chante – admirable ! Il n’est pas beaucoup de pianistes de cet âge auxquels un organisateur pourrait sans inquiétude confier un récital tout Mozart : celui-ci en fait indubitablement partie.
 
 
Poésie et nécessité dramatique
 
Chopin referme le programme avec le Nocturne op. 27 n° 2 et le 2Scherzo. Deux pièces archi-rebattues mais qui semblent neuves sous les doigts de Victor Demarquette. L'art du timbre, la qualité de legato captivent dans le premier. La musique y est nimbée d’un magique halo de poésie ; on songe à Claudio Arrau ... Un moment de beauté pure, avant un Scherzo en si bémol mineur impeccablement pensé et dominé (quel trio ...) et d’une nécessité dramatique dénuée de tout effet. Le public ne s’y trompe d’ailleurs pas, et se voit gratifié d’un bis à la mesure de son légitime enthousiasme : la 3Sonate de Prokofiev !

Pas de doute, on tient avec Victor Demarquette l’une très fortes personnalités de la nouvelle génération du piano.

Signalons que l'on pourra retrouver Victor Demarquette le 19 janvier prochain à la salle Cortot dans un original programme avec l'Orchestre & Chœur Étésias.(1)  
 
Alain Cochard
 

(1) sallecortot.com/event/orchestre-choeur-etesias-et-victor-demarquette/​

Paris, Théâtre des Abbesses, 9 novembre 2025
 
Photo ©

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