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Alexander Melnikov et l’Orchestre de chambre de Paris interprètent Chostakovitch – L’énergie en partage – Compte-rendu

 

 

Ce n’est pas tous les jours que l’on a l’occasion d’écouter les deux concertos pour piano de Chostakovitch. Deux frères pas vraiment jumeaux, séparés de vingt-quatre ans – et l’on sait combien chaque année de la traversée du siècle soviétique a pesé sur la vie et l’art du compositeur. Le Concerto n° 1 pour piano, trompette et orchestre à cordes a pour lui sa fantaisie juvénile et iconoclaste, qui lui valut un succès immédiat à sa création en 1933, jamais démenti depuis. Cette musique pleine d’énergie, tourbillonnant d’une atmosphère à une autre, a quelque chose d’irrépressible.
 
Complicité instinctive
 
Alexander Melnikov (photo) trouve le bon équilibre entre la virtuosité espiègle et la continuité qu’il faut conserver quand, après les bourrasques burlesques, le piano revient à une ligne claire. Tout au plus peut-on regretter un manque d’appui dans les basses – le fait que le pianiste joue dos à la salle, couvercle ôté, y est sans doute pour beaucoup. Le trompettiste Jeroen Berwaerts, avec qui Alexander Melnikov a enregistré l’œuvre (pour Harmonia Mundi), lui donne la réplique avec une complicité instinctive. De même, l’Orchestre de chambre de Paris suit le pianiste, qui n’a finalement pas besoin de se manifester beaucoup comme chef d’orchestre : la cohésion, l’énergie et le caractère que montrent les musiciens témoigne d’un beau travail en amont du concert.

 

 Alexander Melnikov © Molina

Quand le soliste aimante l’orchestre
 
Le Concerto n° 2, créé par Maxime, le fils du compositeur, en 1957, est beaucoup plus rare au concert et bien plus difficile à cerner : une musique qui peut, de prime abord, sembler très extérieure, avec ses deux allegros trop entraînants pour être honnêtes et un andante hanté par une nostalgie romantique exacerbée. La difficulté ici est de ne pas surjouer, d’accepter cette dynamique de mouvement perpétuel truffé de passages fugués. Cette fois face au public, les vents et percussions (timbales caisse claire) dans son dos, le pianiste aimante littéralement l’orchestre, souvent traité par groupes aux motifs répétés. Tous les pupitres s’enflamment tour à tour. Si Alexander Melnikov est économe de gestes, chacun d’entre eux fait mouche. Il y a, malgré la caractère parfois abrupt de l’écriture orchestrale, quelque chose ici de la musique de chambre.
 
Equilibre chambriste
 
Et dans ce domaine, Alexander Melnikov est un partenaire d’exception, comme on a pu l’entendre, dans les œuvres de Mozart qui précédaient chaque concerto. Si le Concerto en la majeur, en ouverture, manquait un peu d’épaisseur, le Quintette en mi bémol K. 452 fut un exemple d’équilibre chambriste. Après un largo où les musiciens ont cherché et trouvé leurs marques sur la vaste plateau du Théâtre des Champs-Élysées, la piano d’Alexander Melnikov a ouvert un bel espace de dialogue aux solistes de l’orchestre : Ilyes Boufadden-Adloff (hautbois), Florent Pujuila (clarinette), Fany Maselli (basson) e tFélix Roth (cor). En bis, après le Deuxième Concerto, Alexander Melnikov revenait d’ailleurs à la musique de chambre, au côté de Jeroen Berwaerts, revenu des coulisses pour une sublime interprétation du Choral de la Sonate pour trompette et piano d’Hindemith.

Prochain rendez-vous de l'OCP le 5 novembre, dans la Grande Salle de la Philharmonie, pour un programme Schumann (4ème Symphonie) et Beethoven (Messe en ut) dirigé par Thomas Hengelbrock.(1)
 
Jean-Guillaume Lebrun
 

(1) www.orchestredechambredeparis.com/concert/beethoven-schumann/

Paris, Théâtre des Champs-Élysées, le 2 octobre 2025.

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