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Arielle Beck enregistre Schumann, Brahms et... Beck [En récital à Paris/TCE, 12 octobre] – Les premières amours d’une poète

 
Il n’est plus nécessaire de présenter Arielle Beck, née en 2009 mais déjà présente sur de grandes scènes depuis un bon moment. « Enfant prodige » a-t-on souvent pu lire à son sujet. Une musicienne incroyablement douée et précoce certes, mais, le jeune âge mis à part, elle nous semble tout le contraire de ce que cette notion recouvre, avec ce qu’elle peut comporter de profondément agaçant.
 
Saisissante maturité

C’est en septembre 2023, dans le cadre d’un récital privé au Cercle Suédois (heureuse initiative de Christophe Neubout, de la Maison Neubout & Hamm (1)), que nous l’avons découverte. Les Etudes op. 25 de Chopin, emportées dans puissant souffle cyclique, et – pour la première fois en public – les Opus 76 de Brahms, d’une intense poésie : programme court, amplement suffisant en tout cas pour que l’on soit proprement saisi par sa maturité. Rien d’une petite prodige virtuose cabriolant sur le clavier mais, sous les traits d’une adolescente à la frêle silhouette, une interprète totalement maître de son instrument, de son propos et – chose plus étonnante encore pour son âge – en pleine possession d’une idée du son.

 

© Julien Benhamou

 
Dans le labyrinthe schumanien

Retrouvailles avec Arielle Beck vers la fin de l’automne 2023, en prévision d’un portrait dans d’autres colonnes.(2) Deux ou trois fois, on tente de l’amener à évoquer des « références », artistes ou versions historiques. La chose ne l’intéresse guère. Aucune forme de suffisance de sa part, plutôt l’irrépressible besoin de partir de la source nourricière de l’interprète : « ce qui m’inspire le plus en travaillant, c’est la recherche de la nouveauté, l’envie de décortiquer la partition au plus profond. »  Mozart, Chopin, Scriabine, Mendelssohn, Fauré, Brahms ... : plusieurs auteurs se présentent dans le cours de la conversation, avant que l’on ne s’attarde très longuement sur Schumann, au cœur de l’univers musical de la pianiste depuis le départ. « J’adore me perdre dans le labyrinthe de Schumann. C’est un compositeur très important pour moi ; j’aime sa fantaisie, son foisonnement, sa capacité à renouveler sans cesse les thèmes. »

 

Dire la complexité avec simplicité
 
Nulle surprise donc à ce qu’Arielle Beck se soit tournée vers ses premières amours musicales au moment de concevoir son premier enregistrement, disponible depuis peu (Mirare (3)), en plaçant rien moins que la Grande Humoresque op. 20 de l’Allemand en ouverture d’un programme intitulé « Des lunes et des feux ». Une interprétation qui vous happe par son lyrisme entêtant et son incroyable foisonnement polyphonique. Vieille connaissance pour une toute jeune interprète que l’auteur des Davidsbündlertänze, souvent réduit de manière sommaire à l’opposition Eusébius/Florestan. Dans le livret qui accompagne son album, Arielle Beck insiste sur les interactions et la fluidité entre ces deux pôles, entre mélancolie et flamme, intériorité et élan, tristesse et joie. On l’écoute : elle ressent en profondeur la complexité, les ambiguïtés de l’inspiration schumanienne et parvient à les traduire avec spontanéité et naturel. Pas d’idées simplistes, ni de contrastes caricaturaux, mais une simplicité de ton et une subtilité qui signalent un tempérament poétique hors du commun.
Les Klavierstücke op. 76 ne convainquent pas moins. Ce Brahms « Nel mezzo del cammin » offre une cyclothymie musicale très proche de l’esprit schumanien ; Arielle Beck l’explore d’humaine et pénétrante façon, avec une palette de couleurs toujours accordée à l’humeur du moment.

 

© Julien Benhamou

 
Troublante étrangeté
 
La pianiste est aussi compositrice et c’est par une pièce de sa main, des Variations sur un thème de Robert Schumann qu’elle referme son programme. A partir du n° 1 des Bunte Blätter op. 99 se dessine une partition d’une douzaine de minutes, un hommage à un compositeur cher entre tous et à son idée de « cycle ouvert ». Une réalisation étonnante, qui parvient à s’inscrire pleinement dans la continuité des deux opus qui précèdent avec une grande variété d’écriture et d’une manière aussi labyrinthique que troublante. Pour un résultat pétri d’étrangeté.
 
Coup d’essai, coup de maître que cet album. Il rend d’autant plus impatient de retrouver Arielle Beck pour son premier récital au théâtre des Champs-Elysées, le dimanche 12 octobre. On ne s’étonnera guère de la voir plonger dans la vaste et tumultueuse Sonate n° 1 de Schumann pour commencer, avant d’apprivoiser le lyrisme et les secrets la Sonate en la mineur D. 784 de Schubert. Le Variations sérieuses de Mendelssohn concluront ; une partition qui accompagne la pianiste depuis très longtemps et qui, avoue-t-elle, « a été à l’origine de son goût pour les cycles. »
 
Alain Cochard
 

(1) nebout-hamm.com/la-maison/
 
(2) Pianiste / Décembre 2023 : pianiste.fr/jeune-talent-arielle-beck/
 
(3) Mirare / MIR 756
 
Arielle Beck, piano
Œuvres de, Schumann, Schubert Mendelssohn
12 octobre 2025 -  11h
Paris – Théâtre des Champs-Elysées

www.concertclassic.com/concert/arielle-beck
 
Photo ©

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