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​« Bach dans tous ses états » par Le Caravansérail au Festival de Sablé 2025 – Clavecins en fête – Compte-rendu

 

Le programme de concertos de Bach à 1, 2, 3 et 4 clavecins du Caravansérail a certes déjà été donné en d’autres lieux mais, par la rareté d’un tel effectif en concert, il constituait, côté instrumental, le temps fort d’un 47e Festival de Sablé que sa directrice, Laure Baert, a voulu très inspiré par la musique du Cantor de Leipzig.(1) Le public a répondu nombreux à l’invite de Bertrand Cuiller et de ses troupes et a pu savourer une soirée aussi réjouissante pour l’oreille que pour l’œil, l’entente entre les protagonistes s’exprimant de la plus complice et amicale manière.
 
Equilibre et esprit chambriste
 
Seulement cinq –  remarquables ! –  archets pour l’accompagnement (Martyna Pastuszka et Cécile Garcia-Moeller, violons ; Jérome Waerbeke, alto ; Diana Vinagre, violoncelle, Benoît  Vanden Bemden, contrebasse), autant dire un équilibre idéal entre la partie orchestrale et les solistes, qui laisse s’exprimer la personnalité des interprètes – et de leurs instruments ! Trois clavecins allemands (Ducornet d’après Christian Zell, vers 1728 ; Philippe Humeau 2024, d’après Johann Heinrich Gräbner, 1722 ; Jonte Knif de 2004 d’après les modèles du XVIIIe) et un italien (Philippe Humeau de 2002, d’après les modèles du début du XVIIIe) occupent la scène pour ce qui va prendre l’allure d’une jouissive fête des claviers, tenus par Bertrand Cuiller, Violaine Cochard, Olivier Fortin et Jean-Luc Ho. (photo)
 
Dès le Concerto pour trois clavecins en ut majeur BWV 1064 (sous les doigts de Jean-Luc Ho, Bertrand Cuiller et Violaine Cochard) les qualités qui prévaudront d’un bout à l’autre de la soirée s’affirment. Par son économie, sa présence vigilante, l’accompagnement favorise un esprit chambriste et ne souligne que mieux la précision de la mise en place côté solistes. Tempo vivant mais nullement précipité ; la musique avance et respire dans les mouvements vifs tandis que l’Adagio, ondoyant, délivre ses secrets.
 

© Festival de Sablé

 
Une magistrale transcription
 
Le 3ème Concerto Brandebourgeois BWV 1048 dans un programme à quatre clavecins ? Oui, mais transcrit pour cet effectif – sans aucune participation des archets – par les soins de Bertrand Cuiller. Pour un résultat proprement éblouissant ! Olivier Fortin (sur l’instrument italien) rejoint ses trois collègues : et tous de nous séduire par la façon assez extraordinaire dont cet arrangement retrouve la perspective, les plans sonores de l’original, sans que l’on éprouve la moindre sensation d’appauvrissement, de « réduction ».
 
Les archets font leur retour pour une fin de première partie à deux clavecins avec le Concerto en ut mineur BWV 1062 dont s’emparent Violaine Cochard et Olivier Fortin. L’Allegro possède le tonus approprié, avant un Andante e piano d’une étreignante tendresse et un Allegro assai très révélateur de l’approche du Caravansérail. Plutôt que par une accélération du tempo où l’on courrait le risque d’ « étouffer » la phrase, le assai est perçu en termes de caractère, l'attention portée à l’accentuation venant souligner l’urgence de la musique.
 
Vivacité et lyrisme
 
Unique ouvrage pour un seul clavecin du concert, le La majeur BWV 1055 revient à Bertrand Cuiller. Par la projection de la phrase, la poésie du Larghetto, scintillement d’étoiles dans un ciel de mélancolie, la conjugaison de la vivacité et du lyrisme dans un final plein de complicité : le soliste et ses partenaires font de cette pièce rebattue un vrai moment d’émerveillement. On n’est pas moins charmé par le Ré mineur BWV 1063, qui revient à Jean Luc Ho, Bertand Cuiller et Olivier Fortin, avec en son cœur, irrésistible, l’écoulement heureux du Alla Siciliana.  

 

© Festival de Sablé

 
Dialogue fusionnel

 
Le soleil luit plus encore dans le fameux La mineur BWV 1065 (arrangement du 4 violons, n° 10 de L’Estro armonico op. 3 de Vivaldi). Rien ici d’une confusion en grand huit mains ; on admire un dialogue fusionnel, plein de relief, entre quatre vraies personnalités, et quatre clavecins bien identifiables. Radieux dialogue qui recueille l’enthousiasme du public, gratifié de trois bis : chacun des mouvements du BWV 1065, introduits avec drôlerie par Bertrand Cuiller.
 
Quant à l’actualité à venir, notez que Le Caravansérail participera le 27 septembre prochain au gala des 40 ans du Festival de Pontoise, à l’orée d’une résidence de trois ans dans cette manifestation.(2)
 
 
Alain Cochard
 

(1) Lire l’interview de Laure Baert, directrice artistique du Festival de Sablé : www.concertclassic.com/article/une-interview-de-laure-baert-directrice-artistique-du-festival-de-sable-nous-sommes-heureux
 
 
(2) www.festivalbaroque-pontoise.fr/programmes/acte-1-du-27-septembre-2025-au-6-decembre-2025
 

47e Festival de Sablé, Scène Joël Le Theule, 22 août 2025
 
 Photo © Festival de Sablé

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