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Ryan Wang inaugure le 40e Festival Chopin à Paris – Quand la musique a 17 ans – Compte-rendu
Ryan Wang inaugure le 40e Festival Chopin à Paris – Quand la musique a 17 ans – Compte-rendu

Il a 17 ans ; il croque la musique et la vie à pleine dent. Après un 1er Concerto de Tchaïkovski au Eton College School Hall (avec ses camarades de classe donc), la veille, et à l’orée d’un été bien chargé, Ryan Wang était l’invité de la soirée inaugurale du 40e Festival Chopin à Paris. Autant dire que ce dernier a franchi un cap symbolique en regardant vers l’avenir, car du pianiste canadien vous n’avez pas fini d’entendre parler.
S’emparer de la partition
Programme court, en une partie, comme le veut la règle du récital d’ouverture. Ryan Wang commence en prenant les Préludes op. 28 en cours de route, du n°13 au n° 24. L’option conduit certes à plus individualiser chaque épisode que lorsque l’on bénéficie de l’élan dramatique du cycle entier. Mais quelle manière de s’emparer de la musique, de la caractériser, quelle plénitude de son, jamais dur ni tapé – sur un Steinway d’une qualité, intrinsèque et de réglage, exceptionnelle.
Moment de liberté
La musique à pleine dent, disais-je ... Le 2 octobre prochain, Ryan Wang sera (avec, sauf erreur, 84 autres candidats) sur la ligne de départ du 19e Concours Chopin de Varsovie, contexte où il lui faudra trouver un juste milieu entre conduite avec ceinture de sécurité et expression de sa personnalité. Lors de son récital à l’Orangerie, le musicien nous a donné la sensation de s’offrir un moment de liberté avant l’échéance qui se profile – la cadre de l'Orangerie de Bagatelle n'a pu que le conforter dans cette voie. Et la musique y a trouvé son compte ! Engagé et d’un relief saisissant dans la Sonate « Funèbre », le jeune homme a su y prendre des risques avec un sens narratif et une tension incroyables.
Mettre en scène la musique
Et nous n’étions pas au bout de nos – heureuses – surprises, puisque son programme se refermait par les Variations sur « La ci darem la mano » op. 2, ouvrage d’un Chopin de 17 ans qui valut au Polonais ce compliment fameux de Robert Schumann : « Messieurs, chapeau bas – un génie ! ». Nourrie du style brillant qui marqua tant le jeune compositeur, redoutable techniquement – un véritable chaudron d’invention pianistique –, la partition requiert des moyens exceptionnels mais peut vite, très vite se muer en un laborieux enfilage de perles faute d’interprète capable de la « mettre en scène ». Non, Ryan Wang n’est pas au niveau de l’Opus 2, pas du tout : il est cent coudées au-dessus ! Sous ses doigts la musique fuse, chante, rit, jubile, surprend continûment, avec une palette sonore immense. Elle renaît ; elle a son âge, ils se parlent et se comprennent ... Fabuleux !
En bis, Rêve d’amour de Liszt, d’une ardeur peu commune, et un électrisant Für Elise in ragtime d’Ethan Eslan referment un récital inaugural qu’on n’est pas près d’oublier. Ouverture en beauté pour une 40e édition qui se prolonge jusqu’au 14 juillet.
Alain Cochard

Paris, Parc de Bagatelle, Orangerie, 23 juin 2025 // Festival Chopin à Paris jusqu’au 14 juillet 2025 : www.frederic-chopin.com
Photo © Festival Chopin à Paris
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