Journal
Yunchan Lim, Klaus Mäkelä et l’Orchestre de Paris – Quand la musique renaît – Compte-rendu
Yunchan Lim, Klaus Mäkelä et l’Orchestre de Paris – Quand la musique renaît – Compte-rendu

La musique de Rachmaninoff réussit à Yunchan Lim ! Il avait on s’en souvient triomphé en 2022 au Concours Van Cliburn dans le 3e Concerto ; une interprétation électrisante – avec une grande cadence proprement hallucinante ! –, sous la baguette de Marin Alsop, que Decca a eu l’excellente idée de publier. Le 4e Concerto occupe cette fois le jeune virtuose à l’occasion d’un programme de l’Orchestre de Paris et Klaus Mäkelä, pour lequel le public a répondu en masse.

> Les prochains concertos de Rachmaninov <
Entrée en matière ravélienne avec Le Tombeau de Couperin, que le chef envisage de manière plutôt rêveuse. Sans doute un brin trop retenue et trop tendre dans la Forlane et le Menuet, mais le résultat n’en demeure pas moins admirable de précision et de raffinement dans les timbres.
Puissance radieuse
Mäkelä les manie avec autant d’art dans l’accompagnement du Concerto n° 4 (1926, version définitive 1941) que le jeune Coréen domine d’assez stupéfiante façon. Et le geste généreux du chef ne pose aucun problème face à la sonorité très dense et toujours projetée de son soliste. Formidables de puissance radieuse, mais concentrés et exempts de tout tape-à-l’œil, les deux Allegros encadrent un Largo très émouvant ; le soliste sait y exprimer la splendide inactualité et la solitaire noblesse du compositeur, « fantôme marchant dans une monde qui lui serait devenu étranger » comme il se décrivait. Dédicace à Nikolaï Medtner, qui remercia son compatriote et ami avec son Concerto n° 2 : une affaire entre géants russes du clavier ...
Une autre figure légendaire du piano de l’entre-deux-guerres, Leopold Godowsky, est conviée par Yunchan Lim au moment des bis, avec sa transcription du fameux Cygne de Saint-Saëns, tout de fluidité et de chic sous ses doigts. On aurait pu penser qu’il s’en tiendrait à cette main tendue vers la seconde partie de soirée, mais, mu par l'enthousiasme – justifié ! – de l'auditoire, l’artiste est revenu pour une très secrète Valse op. 34 n° 2 de Chopin.

© Mathias Benguigui
Les occasions d’entendre sonner l’orgue de la Philharmonie de Paris ne sont pas aussi nombreuses qu’on pourrait le souhaiter. Comment ne pas se réjouir d’entendre la 3e Symphonie de Saint-Saëns, même si la partition est célèbre entre toutes et que l’on aimerait que les orchestres en activité dans la Grande Salle Pierre Boulez pensent à d’autres œuvres (la Symphonie concertante de Joseph Jongen par exemple). Quelques jours après que l’on a découvert à la Seine Musicale la version originale inédite pour orchestre d’harmonie et orchestre symphonique de la 1ère Symphonie, par la Musique des Troupes de Marine et l’Orchestre symphonique du CRR de Boulogne-Billancourt (1), l’Orchestre de Paris et Klaus Mäkelä, avec Lucile Dollat à l’orgue, s’emparent donc du dernier maillon de la production de notre Camille national en ce domaine.

© Mathias Benguigui
Pareille à une cathédrale gothique
S’emparer : tel est bien le mot pour décrire la manière dont le jeune maestro et ses troupes font corps avec la musique. Il est des interprétations qui, par l’engagement de leurs interprètes, vous procurent le sentiment de renouer directement avec la fièvre créatrice qui animait le travail du compositeur. Quand l’interprétation se fait renaissance ...
Elan inspiré que celui avec lequel Klaus Mäkelä embarque ses musiciens ! La Symphonie en ut mineur paraît s’écrire devant nous. Dédiée à Liszt, elle s'élève dans l'espace pareille à un cathédrale gothique ; architecture puissante, mais dénuée de toute opacité, de toute pesanteur, sachant faire entendre les détails, les myriades de couleurs de l’orchestration. Avec quel art le chef creuse-t-il la musique – on mesure ici aussi combien son rapport au matériau sonore a évolué au fil dans ans ...
Du magnifique Andrea Obiso, violon solo invité venu de Santa Cecilia – dont la capacité d’entraînement constitue un atout précieux pour Mäkelä –, jusqu’aux percussionnistes, sans oublier évidemment Lucile Dollat, remarquable à l’orgue, chaque instrumentiste mérite d’être salué pour son implication totale.
Nul doute qu’après pareil moment d’engagement collectif, les musiciens de l’Orchestre de Paris n’auront pas eu besoin d’être bercés pour trouver le sommeil. Et ils auront à coup sûr fait de très beaux rêves ...
Alain Cochard

Derniers articles
-
04 Juin 2025Alain COCHARD
-
04 Juin 2025Michel ROUBINET
-
03 Juin 2025Alain COCHARD