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​Yoav Levanon en récital à la Fondation Louis Vuitton – Un virtuose en devenir – Compte-rendu

 

Né en 2004, Yoav Levanon n’aura guère attendu pour que son nom circule. Il est vrai que la précocité avec laquelle il a entamé sa carrière de concertiste ( à l’âge de quatre ans ! ), des prix dans divers concours (le Pnina Salzman à 10 ans) et, plus récemment, l’intérêt et le soutien de grands aînés tels que Daniel Barenboim et Martha Argerich n’ont pu qu’y contribuer. La première apparition française de Yoav Levanon, au Festival Piano aux Jacobins l’an dernier, avait fait grand bruit. Nous l’avions manquée, tout comme celles qui ont suivi en d’autres lieux ; la curiosité n’était que plus grande de découvrir l’artiste israélien à l’auditorium de la Fondation Louis Vuitton.
 
Arrivée à pas lents, plutôt raide, salut très compassé : l’entrée en scène d’un adolescent de 17 ans à la silhouette longiligne et à la coiffure romantique (il eût été le candidat idéal si Xavier Giannoli avait dû trouver un jeune pianiste pour ses admirables Illusions perdues) surprend quelque peu ... Mais dès l’attaque des Variations sérieuses, la souplesse et la clarté que Levanon apporte à la musique de Mendelssohn avec une forme de distance aristocratique, sa manière de laisser parler la musique séduisent. On l’est aussi par la Fantaisie en ut majeur op. 17 de Schumann. La vision manque certes d’un peu de feu et de fébrilité, de variété dans la palette sonore, mais l’acuité avec laquelle le foisonnement polyphonique du texte est restitué force l’admiration. Il semblerait que Yoan Levanon s’apprête à nous livrer un disque regroupant ce Mendelssohn et ce Schumann, suivis de la Sonate en si mineur.
 

© Fondation Louis Vuitton/Gaël Cormier

Etait-ce pour autant une bonne idée que de présenter l’ouvrage de Liszt à la suite de l’Opus 17 ? On peut en douter à en juger par ce que l’interprète nous a offert après la pause. Certes étonnamment fouillé dans les détails, le résultat pèche par manque de tension, de souffle, et tombe à plat. Suit une Rhapsody in blue d’une digitalité sans doute bluffante – accompagnée d’une sorte de chorégraphie des mains dans le vide avant l’attaque de certains traits – mais où Levanon paraît trop bien élevé et ne se "lâche" pas autant qu'il le faudrait.
Côté bis, La Valse de Ravel déboule sur le clavier, impressionnante de virtuosité mais à côté de sa cible s’agissant de la dimension tragique de l’ouvrage. Liszt conclut avec une Campanella incroyable d'aisance et de luminosité.
 
Bilan mitigé donc au terme d’un récital que le choix de la Sonate de Liszt a aiguillé sur une mauvaise voie. Doté de prodigieux moyens digitaux, Levanon est un formidable talent en devenir. Il n’a que 17 ans ; tout l’enjeu est pour lui de savoir prendre le temps – et d’avoir la force dire non quand il le faut au mundillo qui s’agite autour de lui. L’enjeu est de vivre et d’en nourrir la musique ...
 
Prochain rendez-vous à la Fondation Louis Vuitton le 10 décembre avec Can Çakmur, jeune artiste turc premier prix du Concours de Hamamatsu 2018. Deux remarquables albums sortis chez BIS (1) rendent impatient de le retrouver dans un programme Schœnberg, Schubert, Schumann.(2)
 
Alain Cochard

 
(1)         Récital Beethoven/Liszt, Schubert, Haydn, Say, Bartók, Sasaki (BIS-2430) 
              Liszt/Schubert : Schwanengesang (BIS-2530 ; dist. Outhere)

(2)         www.fondationlouisvuitton.fr/fr/evenements/recital-can-cakmur
 
Paris, Auditorium de la Fondation Louis Vuitton, 12 novembre 2021-11-21 / Disponible en replay : www.fondationlouisvuitton.fr/fr/evenements/recital-yoav-levanon
 
Photo © Fondation Louis Vuitton/Gaël Cormier
 

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