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Wilhem Latchoumia en récital au Palazzetto Bru Zane - Un piano orchestral - Compte-rendu

Etonnant pianiste que Wilhem Latchoumia, qui se confronte avec autant de bonheur à la création contemporaine qu’à des répertoires plus traditionnels. Une dizaine de jours avant l’« Hommage à John Cage » que l’artiste lyonnais propose à Orléans le 24 octobre, il l’était l’invité du Palazzetto Bru Zane à Venise dans le cadre du cycle « Antiquité, Mythologie et Romantisme » pour un récital autour de Wagner. L’auteur de Tristan célébré au Centre de Musique Romantique Française ? Quoi de plus naturel quand on se souvient de la place que Wagner a occupée dans la vie musicale et les débats esthétiques français durant la seconde moitié du XIXe siècle et au début du suivant.

Les moyens pianistiques de Wilhem Latchoumia le prédisposent à des programmes tels que celui qu’il présente dans la belle et intimiste salle de concerts (une centaines de places) d’un Palazzetto restauré et adapté à la modernité avec autant d’élégance que de sobriété. Phantasiestück sur des motifs du «plus grand opéra de Meyerbeer » (1) - pardon ! - de Rienzi : la pièce de Liszt ouvre admirablement le concert et met en valeur la palette sonore très riche d’un interprète qui sait déployer la virtuosité du morceau avec panache et lyrisme mais aucun sans tape-à-l’œil.

Petite incursion chez Berlioz – histoire que rappeler que Richard doit certaines choses au bouillant Hector… - avec une Danses des sylphes (transc. Liszt) d’une délicatesse infinie et voilà l’interprète plongé dans la rarissime Fantaisie pour piano en fa dièse mineur (1831), vaste composition de jeunesse du musicien allemand. L’affaire n’est pas gagnée d’avance s’agissant d’une partition où se profile encore maladroitement le désir de grande fresque musicale du futur auteur de la Tétralogie. Avec la présence et le charisme qu’on lui connaît, Latchoumia parvient à tenir, à imposer une unité et une cohérence à une œuvre plutôt hétérogène (dont les divers éléments sont reliés par des sections « Recitativo ») - et à tenir son public en haleine !

La place est alors toute à la transcription, rare comme avec ce n°1 des Drei Stücke aus Wagner’s Tristan un Isolde d’Alfred Jaëll (1832-1882) que le pianiste enchaîne opportunément à la fameuse Mort d’Isolde, page devenue œuvre pour piano à part entière par le génie de Liszt. Le sens du chant, de la nuance domine continûment une approche d’une grande noblesse.

Avec La Chevauchée des Walkyries transcrite par Louis Brassin (1840-1884), une virtuosité pour le moins saisissante prend le dessus. Latchoumia ne se laisse pas intimider par l’enjeu et fait flamboyer la musique sans une chute de tension. Il aurait pu terminer par cette pièce fameuse, qui lui vaut force applaudissements, mais – détail révélateur du vrai musicien qu’il est– il préfère conclure son récital par l’émouvante Paraphrase sur Die Walkürie de Hugo Wolf dont la vibrante poésie nous poursuit dans la nuit vénitienne…

Alain Cochard

(1) dixit Hans von Bülow

Venise, Palazzetto Bru Zane, 13 octobre 2012

NB Ce programme sera redonné le 22 mars 2013 à Cahors (Auditorium), le 29 mai à Florence (Institut français), le 6 juin à Paris (Bouffes du Nord) et en août à La Côte-Saint-André (église)

Site du Centre de Musique Romantique Française/ Palazzetto Bru Zane : www.bru-zane.com
Site de Wilhem Latchoumia : www.wilhemlatchoumia.com

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Photo : Palazetto Bru Zane-Michele Crosera
 

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