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Warlikowski où Py ?


Quoi, la Grande Boutique s’encombre encore de metteurs en scène de talent ? Après la Luisa Miller rétrograde de Gilbert Deflo (voir notre compte rendu dans ces colonnes), Gérard Mortier offre Wagner à Krzysztof Warlikowski et Stravinsky à Olivier Py. Quels qu’en soient les résultats, on applaudit car s’il y a bien une leçon à tirer d’un siècle de renouvellement de la mise en scène d’opéra c’est que la convention n’y a vraiment plus sa place.

Chaque spectacle de Warlikowski s’annonce dans un certain parfum de scandale, et on sent déjà flotter dans l’air bien des interrogations et des inquiétudes à l’approche de son Parsifal. Pourtant cet opéra à thèse peut soutenir mieux qu’aucun autre des visions drastiquement novatrices, mais il y a fort à parier que Warlikowski n’inscrira, comme à son habitude, qu’une translation poétique de plus à son actif. Ses mises en scène toujours partagées entre vision et cérémonial proposent pourtant parfois des relectures limites – on l’a vu avec son Oneguine munichois où Lensky se faisait assassiner dans son lit par le séducteur, réinterprétation trop psychanalytique de l’habituel duel qui ouvrait autant de portes qu’elle dispersait de poil à gratter.

Le goût prononcé du metteur en scène pour les lectures homophiles risque de trouver un terrain fécond dans Parsifal, cet opéra d’hommes qu’une femme ne parvient pas à rédimer. La distribution promet : Waltraud Meier en Kundry, qui reste probablement son emploi wagnérien absolu, Franz-Josef Selig pour Gurnemanz, Evgeny Nikitin en Klingsor, Alexander Marco-Buhrmester pour les douleurs d’Amfortas, et Christopher Ventris dans le rôle titre ; tous seront emmenés par la baguette preste d’Hartmut Haenchen, dont le Parsifal tourne résolument le dos aux solennités d’un Knappertsbusch.

Si Warlikowski prend possession de la Bastille dès le 4 mars, c’est Olivier Py qui se sera chargé, la veille, de faire trembler les spectateurs de Garnier, pour un Rake’s Progress dont Luc Bondy a préféré se défaire. L’abandon de Bondy arriva à point nommé : lorsque Gérard Mortier proposa à Olivier Py de monter cette œuvre, le patron de l’Odéon disposait tout juste du temps nécessaire (quinze jours) pour rendre un projet. De l’aveu même du metteur en scène, The Rake’s Progress est une œuvre qui le fascine depuis longtemps, incarnée toute entière dans le livret fabuleux et bizarre d’Auden.

Les Parisiens pourront donc enfin juger sur pièce l’art de ce metteur en scène, mais aussi chanteur, comédien, romancier, qui doit sa carrière aux engagements répétés et à la confiance active de Jean-Marie Blanchard (à Nancy, puis à Genève où Tristan a bouleversé unanimement, puis Tannhäuser créé quelques syncopes) ; jusqu’à ce jour ils n’avaient vu que Le Vase de parfums, réservé au public particulier du Théâtre de la Ville.

Cast épicé : Laura Claycomb, l’Anna Trulove idéale de tendresse déjà vue (et aimée) à la Monnaie, Laurent Naouri en Diable, et la prise de rôle attendue de Tobby Spence en Tom Rakewell. On espère que la baguette d’Edward Gardner montrera plus de caractère qu’à l’habitude.

Un bonheur n’arrivant jamais seul, Les Lyonnais retrouveront sa percutante lecture (créée en 2006) du Curlew River de Benjamin Britten au Théâtre des Célestins, à partir du 6 mars. A noter parmi une excellente distribution la présence d’un jeune baryton-basse qui fera long feu : Konstantin Wolff.

Jean-Charles Hoffelé

Igor Stravinsky : The Rake’s Progress, mise en scène d’Olivier Py, Paris, Opéra Garnier, les 3, 5, 8, 11, 14, 16, 119, 22 et 14 mars 2008

Richard Wagner : Parsifal, mise en scène de Krzysztof Warlikowski, Paris, Opéra Bastille, les 4, 7, 11, 14, 17, 20 et 23 mars 2008

Benjamin Britten : Curlew River, mise en scène Olivier Py, Lyon, Opéra, Théâtre des Célestins, les 6, 8, 10 et 15 mars 2008

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Photo : Opéra de Paris/Eric Mahoudeau

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