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Vivaldi & Venise - Les premiers opéras

En 1714, Vivaldi dirige "L'Orlando finto pazzo" à Venise au théâtre San Angelo. La date est importante : elle inscrit la démarche de Vivaldi, récent auteur lyrique, dans un lieu où il créera la majorité de ses ouvrages à Venise. Son père joue dans la fosse comme violoniste. Outre compositeur énergique, Vivaldi ne tarde pas à se montrer un producteur et impresario redoutable : contrôlant minutieusement les coûts, l'équilibre des distributions vocales. défendant toujours ses intérêts avec détermination et esprit de justice.

Doué d'une vitalité qui semble trouver dans l'opéra sa source vitale, Vivaldi ne tarde pas à voyager partout où son style singulier électrise les publics venus l'entendre : Florence en 1718, en 1727 et en 1736 ; Rome en 1720 au théâtre della Pace et en 1723 au Capranica. En 1724, Quantz témoigne de l'engouement viscéral des romains pour le théâtre du vénitien. Ajoutons encore Milan en 1721 au théâtre Ducal, Reggio d'Emilie en 1727 au Teatro publico, à Vérone en 1732, 1735 et 1737. Vienne et Prague le réclament. Si Venise s'entête à le bouder, le reste de l'Europe le célèbre unanimement.

En 1719, c'est "Tito Manlio" créé à Mantoue. En 1726, c'est "Dorilla in tempe" qui marque les débuts de la carrière de la mezzo d'origine Française, Anna Giro, sa muse et fidèle collaboratrice. Dramaturge, Vivaldi s'exprime par les voix auxquelles il écrit des mélodies sublimes mais aussi par l'orchestre qui chante autant que les voix. Des climats subtils, des colorations picturales à la manière de Guardi, où le souffle de la nature semble traverser ses partitions, célèbrent le mystère de la nuit, la caresse du vents autant d'images et de tableaux naturalistes filtrés par une sensibilité exceptionnelle qui offre en miroir autant de figures musicales à la peinture des sentiments humains.

Dès "Ottone in Villa" de 1713, le vénitien dévoile un sens inédit des couleurs et des dispositifs spatiaux : ainsi la scène 3 de l'acte II, "L'ombre, l'aure e ancora il rio" (duo en écho, Caio/Tullia) confirme une sensibilité précoce pour l'évanescent et le suggestif où la matière musicale portée par les trilles murmurantes des violons et des flûtes à bec expriment un souffle d'une poésie irrésistible, entre l'onirique et la réalité scénique. Ce tableau s'impose à lui seul comme l'essence même du théâtre baroque dont l'esthétique recherche le dialogue des contrastes, dessine en perspectives des mises en abîme où se perd l'esprit soucieux de raison.

Alexandre Pham

Photo : David Tonnelier
 

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