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Véronique Gens, Stanislas de Barbeyrac et Thomas Hengelbrock au ​Festival d’Aix-en-Provence 2020 #lascènenumérique – Une soirée pour oublier le vide - Compte-rendu

A Aix-en-Provence, la rue Gaston de Saporta, qui mène au mythique théâtre de l’Archevêché est calme, très calme, trop calme. Et sur la place qui, les années précédentes, grouillait du peuple des lyricomanes ou autres musicophiles, là où les terrasses de restaurants bruissaient de coups de fourchettes et d’avis plus ou moins avisés sur le spectacle du soir, les mêmes terrasses sont déjà remisées. Un couple d’amoureux s’enlace, les fesses posées sur la margelle de la fontaine dominée par le bronze de la plaque dédiée à Marcel Provence, et c’est tout. Si Venise est triste au temps des amours mortes, Aix l’est aussi au temps d’un festival perdu… Alors, cette invitation à assister, en ce 9 juillet, à l’enregistrement (pour Arte Concert, le site du Festival et France Musique) d’un concert dans le cadre du Festival d’Aix-en-Provence 2020 #lascènenumérique est arrivée comme un grand bonheur. Faire partie de la centaine de happy few (mécènes et personnels du Festival), même un fauteuil sur deux, même sans se serrer la mains ou se faire la bise, même avec un masque plus ou moins chirurgical, c’était respirer un grand trait d’air pur dans ce contexte aux multiples nuances de gris.
 

Stanislas de Barbeyrac © Vincent Beaume
 
Beethoven et Mozart étaient au programme du Balthasar Neumann Ensemble dirigé par son fondateur Thomas Hengelbrock ainsi que des solistes Véronique Gens et Stanislas de Barbeyrac. Et quoi de plus symbolique que d’avoir programmé pour ce concert la « Symphonie du Destin » de Beethoven, cette 5ème devenue emblème de la musique classique et à propos de laquelle Hoffmann écrivait qu’elle était une «idée de génie, fruit d'une profonde réflexion portant le contenu romantique de la musique au plus haut degré de son expression. » Au soir de la création de l’ouvrage, en 1808, à Vienne, l’air de concert « Ah ! Perfido » était proposé aux auditeurs. Il le fut aussi en cette soirée si particulière au théâtre de l’Archevêché, donné avec puissance et rigueur par Véronique Gens. Et si Beethoven, commémoration des 250 ans de sa naissance oblige, était au programme, il eût été inconvenant de ne pas convier Mozart à cette renaissance de la musique vivante en ce lieu où il est chez lui depuis 72 ans. « Il mio tesoro » l’air de Don Ottavio tiré de Don Giovanni ainsi que trois airs de Cosi fan tutte dont le duo « Fra gli amplessi » de Fiordiligi et Ferrando  étaient de sortie. Histoire de retrouver la ligne de chant somptueuse de la soprano française et le timbre de velours poussé à ses limites dans l’air « Un aura amorosa » (Ferrando dans Cosi) par Stanislas de Barbeyrac dont le Tamino festivalier aixois (2014/2018) mis en scène par Simon McBurney restera à jamais comme l’un des temps forts de l’histoire de la manifestation lyrique. Séduisant, aussi, le son rond, plein et coloré, d’un orchestre jouant sur instruments d’époque. Et même si les mouvements de la symphonie de Beethoven étaient entrecoupés par les airs mozartiens, avec une direction généreuse et habitée, Thomas Hengelbrock en a livré une interprétation des plus intéressantes. Il nous a donné envie d’aller plus loin en sa compagnie aux côtés de ses musiciens… Ce qui devrait être fait dès l’édition 2021 du Festival d’Aix. On en rêve déjà.
 
Michel Egéa

Concert enregistré le 9 juillet 2020 au Théâtre de l’Archevêché. A retrouver sur Arte Concert (le 10 juillet à 19 h.) ou sur le site du festival : festival-aix.com et sur France Musique (le 11 juillet à 20 h.).
 
 
Photo © Vincent Beaume
 

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