Journal
Une interview de Laurent Campellone, nouveau Directeur Général de l’Opéra de Tours – « Il faut sortir de cette crise tous ensemble, en redonnant des perspectives aux équipes »
Enfin ! Après une longue et douloureuse crise, l’horizon se dégage pour l’Opéra de Tours. Nommé à la tête de l’institution le 18 septembre, Laurent Campellone prend officiellement ses fonctions ce jeudi 24 septembre. Un beau défi pour le chef d’orchestre, passionné par l'univers lyrique depuis toujours. Action immédiate, projets à plus long terme : le nouveau Directeur Général a réservé sa toute première interview à Concertclassic.
Quel est votre état d’esprit au moment où vous prenez la direction générale de l’Opéra de Tours après une période extrêmement mouvementée ?
Laurent CAMPELLONE : Il faut d’abord sortir de cette longue crise qui a saisi l’Opéra de Tours depuis déjà trop longtemps, en sortir tous ensemble, en redonnant notamment des perspectives claires aux équipes. La sortie de cette crise interne présente la complexité de se conjuguer avec une autre crise externe, celle du Covid. Comme dans toutes institutions culturelles du monde, nous devons tous nous unir pour inventer des solutions et faire en sorte que notre maison arrive à vivre malgré la situation incroyable que nous connaissons. C’est vraiment un combat de l’esprit contre la matière : c’est l’esprit humain, l’inventivité, la solidarité entre les maisons d’opéra, mais aussi la solidarité au sein de chacune d’entre elles, qui permettront de trouver les solutions. Comme je l’ai dit il y a peu, dans ce cadre-là, je place mon travail à Tours – et toute ma vie d'ailleurs – sous le double signe de la bienveillance et de la justice.
La saison 2020-2021 commence, comment aller vous procéder à court terme ?
L.C. : La saison qui commence a subi de plein fouet la crise du Covid. Comme dans toutes les maisons, le travail a été bouleversé à partir du mois de mars dernier. À partir du moment où, en mars, les choses se sont arrêtées, la saison 20-21 a pris beaucoup de retard. Pendant le période de recrutement du nouveau directeur et la crise des derniers mois, la Mairie de Tours a dû faire appel à un programmateur extérieur qui a travaillé sur la période de novembre et décembre 2020. Ma tâche absolument prioritaire est de mettre sur pied la suite, de janvier à juin 2021 donc.
En savez-vous plus sur la période qui court jusqu’à la fin décembre ?
L.C. : Nous allons annoncer le 28 septembre les éléments de programme concernant novembre et décembre prochains. Durant la période de vacance de pouvoir que l’on vient de traverser, je sais que les équipes internes ont fourni un travail très important, avec les services de la Ville de Tours, pour parvenir à mettre sur pieds cette programmation et, ainsi, rendre possible la réouverture du théâtre pour la fin du mois d’octobre. Qu’ils soient tous remerciés pour leur formidable mobilisation !
© DR
On parle d’un concert de l’Orchestre Symphonique Région Centre-Val de Loire/Tours que vous dirigeriez fin octobre ...
L.C. : Ce ne sera pas le cas. Ce dont nous sommes convenus dans mon contrat, c’est que je ne dirige pas du tout durant cette première saison. Il y a tellement de choses à faire en interne que je dois consacrer tout mon temps et toute mon énergie disponibles à être avec l’administration, avec les tutelles, avec le personnel, avec les musiciens et les choristes pour non seulement sortir de cette crise mais aussi bâtir ensemble les éléments de la saison prochaine. L’Orchestre participera en effet à la programmation d’ici à la fin de l’année, mais ce ne sera pas moi qui le dirigerai. Pour ce qui est du lyrique, nous avons mis en place, contractuellement aussi, un quota très réduit de mes interventions musicales : je ne dirigerai en tout et pour tout que deux productions par an, un peu comme un chef invité régulier. Ça me paraît très sain. D’un côté, il aurait été incompréhensible pour tout le monde que, dirigeant partout en France et dans le monde, je ne dirige pas du tout à Tours. Mais, de l’autre côté, il aurait été pour moi inconcevable de diriger la moitié de la saison comme le fait un directeur musical dans une maison de cette taille. Le lyrique est ma spécialité, je vais m’y consacrer avec une immense joie ici comme ailleurs. Le principe de deux productions annuelles me semble être la bonne dose pour apporter mon enthousiasme, mon savoir faire et mon amour de cet art aux musiciens, pour partager aussi avec eux ces moments extraordinaires que sont le travail musical et les représentations, et ce sans avoir la « casquette » d’un directeur musical qui fait la moitié des choses – situation un peu étouffante. Travailler avec les équipes au quotidien et diriger en plus la moitié de la saison ne me semble pas possible et ne peut être, de mon point de vue, que source de tensions à moyen terme.
Que pouvez-vous déjà nous annoncer pour janvier-juin 2021 ?
L.C. : Il est un peu tôt pour officialiser les choses mais, que ce soit de la part des chanteurs ou des chefs, un élan de solidarité s’est fait jour depuis l’annonce de ma nomination. Des gens qui se sont manifestés, avec l’envie de venir donner un coup de main – de façon souvent assez bouleversante – : je pense qu’à partir de janvier de grands artistes vont être présents en ce moment charnière de l’histoire de la maison. Je ne veux pas faire d’annonce prématurée ; nous sommes en train de chercher à coordonner les agendas des uns et des autres – je vous laisse imaginer la complexité de l’exercice dans des délais aussi courts ! Je peux en tout cas vous assurer qu’il y aura des noms qui rassureront et permettront de changer les choses. A priori, mi-novembre nous y verrons plus clair et des annonces interviendront.
Parlons d’un avenir plus lointain : quels sont vos envies, vos projets pour les saisons prochaines ? On sait votre passion pour le répertoire lyrique français ...
L.C. : De part le passé de l’Opéra de Tours et de part mes goûts personnels, la musique française va occuper une place importante. Nous assistons depuis quelques années à une renaissance du répertoire lyrique romantique français, au retour de pas mal d’œuvres oubliées. Il faut ici mentionner le travail incroyable du Palazzetto Bru Zane, sous la houlette d’Alexandre Dratwicki, et celui de l’Opéra-Comique depuis l’arrivée d’Olivier Mantéi. Faire revivre des partitions, remettre à l’affiche des compositeurs français oubliés à Tours sera une manière de m'inscrire activement dans ce mouvement : le Palazzetto Bru Zane et l’Opéra-Comique sont pour moi, dans ce domaine, des modèles et de vraies sources d’inspiration !
Mais, bien entendu, Tours va aussi continuer à faire ce que font les autres maisons d’opéra, à programmer les grands ouvrages italiens, allemands ou russes. Mon rôle de Directeur Général va, là, se croiser avec celui du musicien qui connaît, qui aime les artistes et travaille avec certains d’entre eux depuis déjà de très nombreuses années : je vais essayer de faire venir, dans la fosse comme sur scène, des spécialistes de la musique russe quand on en fera (mes activités régulières en Russie m’ont permis de repérer pas mal de talents ...), il en sera de même pour le répertoire italien ou allemand.
Propos recueillis par Alain Cochard, le 23 septembre 2020
Photo © Irène de Rosen
Derniers articles
-
08 Novembre 2024Jean-Guillaume LEBRUN
-
08 Novembre 2024Laurent BURY
-
07 Novembre 2024Alain COCHARD