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Une interview d’Arnaud Thorette, altiste et co-fondateur de l’Ensemble Contraste - Liberté, curiosité, talent


Avec le pianiste Johann Farjot, Arnaud Thorette a fait de l’Ensemble Contraste une formation aussi singulière qu’attachante. Liberté, curiosité, talent, tels sont les ingrédients du succès de jeunes musiciens sans œillères, qui excellent dans Brahms ou Fauré mais adorent aussi sortir des limites du répertoire classique – de grandes voix lyriques ne résistent d’ailleurs pas au plaisir de s’associer à eux. Après le succès de « Café 1930 », un programme de tango, l’Ensemble Contraste récidive avec « Songs », intitulé d’un savoureux CD tout juste paru (1) et d’un spectacle que l’on découvre à Paris du 2 au 12 février, avant qu’il ne parte en tournée. On en a profité pour interroger Arnaud Thorette.

Quelle place occupe l’Ensemble Contraste dans votre vie de musicien ?

Arnaud Thorette : Cet ensemble est au cœur de mon projet artistique ; à trente-trois ans je recherche beaucoup plus l’épanouissement dans le collectif que dans une activité de soliste. Du coup Contraste est ce que j’ai de plus cher pour réaliser tous les projets qui me tiennent à cœur et qui dépassent les limites de la musique « classique ». C’est aussi, et surtout, l’amitié qui me lie avec le pianiste Johann Farjot ; l’Ensemble est un peu une augmentation de notre duo – nous jouons ensemble depuis douze ans -, il nous permet de toucher au quatuor ou au quintette avec piano et d’aborder des territoires tels que le tango ou la comédie musicale. Contraste offre des tas possibilités ; on peut à la fois jouer le grand répertoire classique, la musique contemporaine évidemment, et favoriser des rêves secrets que nous avons depuis quelques années avec Johann.

Parlons de ces rêves, de ces répertoires inattendus que vous aimez explorer. Il y deux ans c’était le tango avec un disque intitulé « Café 1930 » et un spectacle qui a beaucoup tourné…

A . T. : Il tourne d’ailleurs toujours et au moins jusqu’à l’année prochaine. «Classique Tango » a vraiment été l’un des projets fondateurs de l’Ensemble. C’est une belle aventure – nous avons donné ce programme près de 150 fois sur scène. Mais parallèlement Contraste continue d’explorer d’autres répertoires : nous avons réalisé un CD de la musique de chambre de Karol Beffa (2) en 2009, un programme que nous donnons aussi régulièrement en concert. En ce moment nous sommes en train de finaliser un disque Fauré autour de La Bonne chanson en version instrumentée avec Karine Deshayes, et le projet autour de la comédie musicale sur lequel nous travaillons depuis 2009 voit le jour avec le CD « Songs » et le spectacle qui l’accompagne au Kiron Espace.

Quelle a été la genèse de « Songs » ?

A. T. : Après le succès du disque et du spectacle de tango en 2009 nous avons cherché à rebondir, à revivre des émotions un peu débridées avec le public et il fallait un répertoire qui le permette. Par ailleurs, nous voulions travailler avec des chanteurs. L’idée du disque « Songs » était de faire une grande fête autour des chanteurs que nous affectionnons, notamment Karine Deshayes qui est le fil rouge de ce disque et nous accompagne sur scène régulièrement, autour de ce répertoire mais aussi dans Fauré ou Brahms. Karine Deshayes était d’ailleurs l’invitée du disque(2) Brahms que j’ai réalisé il y a cinq ou six ans avec Johann Farjot – elle chantait les Zwei Gesänge op 91. Pour « Songs » nous avons réuni des chanteurs venus d’univers différents avec l’aide de Karine qui connaissait Sébastien Droy ou Sandrine Piau. Nous connaissions déjà Alain Buet ou Magali Léger depuis un moment.

A partir du moment où nous disposions de ce plateau lyrique de qualité, nous avons souhaité ouvrir le disque à des personnalités de la variété telles que Rosemary Stanley, Albin de la Simone ou Emily Loizeau, qui apportent une couleur très belle et particulière sur certaines chansons. Grande spécialiste de la comédie musicale, Isabelle Georges ne pouvait à mes yeux faire défaut à ce disque et elle a accepté de chanter un titre. Ami fidèle, le saxophoniste Raphaël Imbert est également de la partie, tout comme Karol Beffa que je voulais utiliser à contre-emploi dans une reprise des Misérables afin qu’il se sente bien dans un univers qui n’est pas le sien.

Le spectacle qui va être donné à l’Espace Kiron vous associe à une autre voix encore, celle de la soprano Emilie Pictet…

A. T. : Il s’agit d’une belle découverte, une jeune artiste suisse avec laquelle j’ai partagé un concert au Festival de Wissenbourg l’an dernier. A l’issue du concert je me suis dit que c’était le genre de chanteuse qu’il nous fallait sur scène pour nous accompagner en tournée. Karine Deshayes, Magali Léger ou Sandrine Piau sont souvent retenues par des productions lyriques et il difficile de concevoir une tournée avec elles. Elles nous rejoindront ponctuellement sur certains festivals, cet été notamment, mais le gros de la tournée se fera avec Emilie Pictet. C’est une chanteuse lyrique qui est à l’aise dans d’autres univers (elle a fait par exemple des spectacles autour de Barbara) et nous permet de réunir les mondes de l’opéra, de la comédie musicale et de la variété de manière assez subtile. C’est un mélange compliqué, mais tout se passe merveilleusement bien avec elle !

Quels projets se dessinent pour la suite ?

A. T. : La sortie du CD Fauré en avril donnera lieu à des concerts publics. Nous travaillons à un programme autour de la musique religieuse, de Bach au jazz, et à un nouveau CD de tango, mais dans un genre très différent du premier. Cela représente beaucoup temps pour sélectionner les morceaux, pour réaliser les arrangements, pour trouver la couleur que l’on souhaite donner à ce disque.

Par ailleurs, la création du label Contraste Productions au sein de Naïve est une belle aventure. Un disque tel que « Songs » fait appel à près de quarante artistes au total, c’est très compliqué à produire, à organiser. Le fait de disposer de notre propre structure offre de la souplesse et permet de concrétiser nos rêves, avec le concours d’Hélène Paillette, directrice de production, et d’Amélie Tcherniak, coordinatrice artistique, notamment.

Propos recueillis par Alain Cochard, le 25 janvier 2011

(1) 1 CD Contraste Production/Naïve (www.contrasteproduction.com )

(2) « Masques » 1 CD Triton

(3) 1 CD Accord

Site de l’Ensemble Contraste : http://ensemblecontraste.com

Site d’Arnaud Thorette : www.arnaudthorette.com

« Songs »

(Comédies musicales françaises et américaines)

Emilie Pictet et l’Ensemble Contraste

(Pierre Fouchenneret, Arnaud Thorette, Antoine Pierlot et Johann Farjot)

Kiron Espace

10, rue de la Vacquerie – Paris 11e (M° Voltaire)

Du 2 au 12 février à 19h30 (du mercredi au samedi)

Rés. : 01 48 24 16 97 / www.concertsparisiens.fr

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Photo : Amélie Tcherniak

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