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« Un dîner avec Jacques » à l’Auditorium du musée d’Orsay – Une couille dans le potache – Compte-rendu

« Un dîner avec Jacques » : on se rendait à Orsay de bel appétit, les ingrédients réunis pour le spectacle d’ouverture de la saison musicale du musée (fruit d’une coopération avec l’Opéra Comique) relevant franchement du grand luxe. Côté voix, Vannina Santoni, Antoinette Dennefeld, Yann Beuron, Jean-Sébastien Bou et Franck Leguérinel, tous dans une épatante forme !, tandis que pour la partie instrumentale (Thibault Perrine signe d’excellents arrangements) les musiciens des Frivolités Parisiennes - dont la culture et l’art en matière de répertoire léger ne sont plus à saluer - sont au rendez-vous, disposés côté cour sur la scène et placés sous la baguette de Julien Leroy. Avec chic et tonus, le jeune chef, plus connu dans le répertoire contemporain, dévoile une autre facette de son immense talent – il serait grand temps que les « décideurs » de la vie musicale française en prennent pleinement la mesure.

A la mise en scène, Gilles Rico a concocté un medley offenbachien à partir d’extraits célèbres (Orphée, Belle Hélène, Périchole, Contes d’Hoffmann) ou rares (Madame Favart, Les Bavards, Robinson Crusoé, Geneviève de Brabant, Ba-Ta-Clan, etc.) – l’accent est plutôt mis sur des ouvrages méconnus et c’est très bien ainsi. Reste à réussir la sauce ; Antonin Carême a tout dit de la complexité de cet art ...

Dans sa note d’intention le metteur en scène nous annonce qu’un dîner chez Monsieur le Baron et Madame la Baronne (V. Santoni et J.-S. Bou), qui reçoivent un acteur et une actrice (Y. Beuron et A. Dennefeld), sera l’occasion pour ce joli monde, « la sensualité de la bonne chère » aidant, de « se défaire peu à peu [des] masques pour révéler toute l’hypocrisie qui façonne les apparences et les convenance sociales. Ainsi se déchaîne[ront] [les] pulsions et une imagination débridée. » Ciel – faites sortir les enfants ! – on va voir ce que l’on va voir ! 

Et l’on voit de formidables talents vocaux et musicaux empêtrés dans un spectacle poussif, parsemé de « trouvailles » potaches, quand ce n’est franchement vulgaires, qui détonnent avec la musique et de l’esprit du Grand Jacques tel un nœud de cravate hollandesquement baclé sur une chemise de belle coupe. Le Majordome (l’impayable Franck Leguérinel) a mis du LSD dans le gâteau au jambon – soit, audace quand tu nous tiens ... -, le champagne coule, on attend le pétage de plomb, on frémit en guettant le surgissement d’ «une cohorte de vices cachés, d’intimes fantasmes réprimés.» D'une note trop pleine d'intentions toujours tu te méfieras.

Un peu maladroit, le Majordome aura probablement confondu le LSD et le thé vert... Il faut se contenter, soixante-quinze minutes durant, d’une succession décousue de scénettes, avec des dialogues d’une platitude affligeante et des gadgets passe-partout. Le conformisme et les conventions ne sont pas toujours là où l'on croit, ils prospèrent en revanche souvent là où l'on proclame qu'ils n'auront point droit de cité. Un seul exemple, qui résume tout : la Baronne sortant cravache et laisse - si si ... - et passant le collier clouté à son Majordome pour le Duo de la Mouche – ah ! le SM, matériau chéri de la fausse audace, ressource ultime des inspirations en panne ... Une seule réplique, celle de l'Actrice en fin de spectacle : « je veux des sushis » C’était bien du thé vert !
Quel gâchis ; on est triste pour Offenbach et pour une aussi splendide équipe de chanteurs et de musiciens. 
Reste que le musée d’Orsay se distingue en ce moment avec la superbe exposition « Spectaculaire Second Empire » qu’il ne faut surtout pas manquer. D'ici au 15 janvier, il vous reste tout le temps.

Alain Cochard

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« Un dîner avec Jacques » - Paris, Auditorium du Musée d’Orsay, 29 septembre, puis les 6, 8, 9 octobre 2016 / www.concertclassic.com/concert/un-diner-avec-jacques

Photo © S. Boegly / musée d'Orsay

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