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Un Ballo in maschera au Théâtre du Capitole – Toulouse mène le bal - Compte-rendu

A l'heure où la plupart des scènes de France et d'Europe lèvent leur rideau, Toulouse peut se réjouir d'avoir programmé une version d'Un Ballo in maschera que nous ne sommes pas prêts d'oublier.

Loin de pouvoir rivaliser avec certaines places fortes où les stars du chant se succèdent, le Capitole a intelligemment misé sur un plateau d'artistes en pleine ascension dont on peut prédire sans trop de risque une toute proche notoriété. Le jeune ukrainien Dmytro Popov dispose d'une voix de ténor aux dimensions musicales et dramatiques rarement employées pour le rôle de Riccardo.
Brillant, imposant et séduisant, l'instrument sert au plus près une interprétation électrisante, soutenue et phrasée avec une facilité déconcertante (dans sa bouche la grande scène du 3ème acte « Forse la stoglia attinse », pourtant réputée pour sa difficulté, semble une promenade de santé !). Élégant et racé dans son costume sombre, ou habillé en monarque pour se rendre au bal, il évolue avec grâce entre le charmant page Oscar, chanté avec assurance, d'une voix bien timbrée par Julia Novikova et le fidèle Renato défendu avec une maîtrise vocale parfaite par le baryton Vitaliy Bilyy, ukrainien lui aussi, autre belle découverte.

Si la mezzo Elena Manistina n'est pas une inconnue, son Azucena au TCE avait plutôt convaincue, son Ulrica ne réunit pas les qualités dispensées pas Sylvie Brunet à Orange il y a peu ; une conduite vocale plus disciplinée et un soupçon de vulgarité en moins auraient été bienvenues. Remarquée en Giovanna Seymour (1) à Bordeaux l'an dernier, Keri Alkema, vocalement proche de Sondra Radvanovsky, franchit une nouvelle étape dans sa carrière. La cantatrice possède un matériau de belle étoffe, une assez bonne technique pour venir à bout du rôle d’Amelia et de belles intuitions, notamment pendant le duo du second acte avec Riccardo, puis face à son mari lors du splendide « Morro, ma prima in grazia » où souffle, couleurs et expressions sont admirables.
Si les seconds rôles et les chœurs sont aussi bons c'est que Daniel Oren officie en fosse, qu'il trouve le ton et la justesse entre les grands moments de tension et d'abandon et sait manier l'urgence contenue dans cette partition sous pression où tout l’orchestre est sollicité.

© Patrice Nin

Comme pour La Favorite présentée la saison dernière, Vincent Boussard entouré du scénographe Vincent Lemaire, de l'éclairagiste Guido Levi et du costumier Christian Lacroix, réussit un très beau travail scénique où l'esthétique minimaliste prime et où le drame traité avec une élégance glacée prend des allures de film policier, surtout au cours des scènes de complot du 3ème acte, le bal avec son lustre et ses costumes chamarrés laissant sur nos rétines des images tout à fait réussies.
(1) Anna Bolena de Donizetti

François Lesueur

Verdi : Une Ballo in maschera. Toulouse, Théâtre du Capitole, 5 octobre 2014.

Photo © Patrice Nin

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