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Toulouse - Compte-rendu : Tristan retrouve le Capitole


Toulouse n’avait pas vu Tristan depuis 30 ans ! Pour ce retour plus qu’attendu, Andreas Reinhardt a imaginé un efficace dispositif mouvant : le sol de scène décomposé en trois parties indépendantes montait et descendait livrant chanteurs et spectateurs à constante houle marine au cours du I, avec en fond la citation d’un grand ciel célèbre emprunté à Caspar David Friedrich (Le moine au bord de la mer). Ce mouvement perpétuel et irrégulier aurait pu souligner les errements psychologiques d’Isolde ou les acmés de tension qui parcourent le I, mais l’éclairage univoque et l’effet finalement hypnotique de cette houle tendent peu à peu à affadir l’intensité du drame.

II et III très classiques, sans surprise sinon des lunettes de soleil pour Brangaene, et entre la vassale et sa souveraine l’esquisse d’une scène un peu saphique. Mais depuis les Tristan d’Olivier Py (à Genève) et de Lavaudant (à Montpellier), nous sommes devenus trop avides des prodigieux arrières plans que ces deux spectacles exposaient avec une toute autre force. C’est bien que Tristan, plus qu’aucun autre opéra de Wagner, recèle une psyché décidément inépuisable et l’on s’étonne de voir ce formidable professionnel qu’est Nicolas Joël rester devant tant de possibles sur le terrain de la simple lecture.

Distribution inégale : Janice Baird (photo) domine, Isolde sculpturale et naturelle, puissante et nuancée, assez admirable, mais son Tristan, Alan Woodrow, qui peut sans encombre aller jusqu’au bout du rôle ce qui est déjà beaucoup, a décidément le timbre d’un Beckmesser. Couple un peu dépareillé, qui ne trouve la pleine justesse qu’au forte ceint dans la bourrasque de l’orchestre, et en perd le contrôle lorsque celui ci les laisse à découvert. Belle Brangaene un rien extérieure, et ne quittant pas un rassurant mezzo forte de Janina Baechle, dont les appels manquent de mystère, très solide Kurwenal d’Oliver Zwarg, Christer Blandin toujours plus parfait en Marin qu’en Melot. Il est trop tard pour le Roi Marke « anti-legato » et privé de nuance de Kurt Rydl, surtout depuis ceux chantant comme des Liedersänger de Kurt Moll ou de Franz-Josef Selig.



En fosse, Pinchas Steinberg sait en virtuose ne pas saturer l’acoustique du Capitole. Sans envergure malgré un orchestre en belle forme, il file les I et II en Kapellmeister soucieux de son plateau, et retrouve au III une électricité dramatique en phase avec les hallucinations de Tristan. On a donc beaucoup reçu, mais comment cacher qu’on espérait plus ?

Jean-Charles Hoffelé

Richard Wagner - Tristan et Isolde, Toulouse, Théâtre du Capitole, le 18 mars 2007.
Dernière représentation le 21.

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