Journal
Tosca à l’Opéra Bastille – Jonas est de retour – Compte rendu

La présence de Jonas Kaufmann, absent de l’Opéra Bastille depuis une désolante Aida jouée sans public mais captée pour Arte pendant l’épisode covidien et de Ludovic Tézier qui, lui, est fréquemment distribué à Paris, a comme l’on pouvait s’en douter attiré la foule des grands soirs. La production de Pierre Audi, disparu au printemps dernier, est désormais bien connue et comme la précédente signée Werner Schroeter, risque de nous lasser au fil de ses innombrables reprises. Nous ne reviendrons pas sur la lecture sommaire accordée à cette Tosca aux lourds décors et à la mise en scène réduite à quelques grands traits pour faciliter la multiplication des distributions. La religion, les dérives du pouvoir et la guerre pèsent de toutes leurs forces sur le drame de Sardou, traité par Puccini comme un thriller au timing et au suspense haletants. Seule l’absence de chute finale du Château Saint-Ange, Tosca prenant la fuite après avoir découvert la mort de son amant, laisse un goût d’inachevé.

Okana Lyniv © Oleksandr Samoilov
Sous un jour nouveau
La jeune cheffe ukrainienne Oksana Lyniv qui a fait ses classes à Barcelone, Berlin, Stuttgart, New York et même Bayreuth, dirige avec une grande rigueur, une approche stylistique soignée et une sensibilité qui éclaire la partition sous un jour nouveau. Attentive aux équilibres, aux nuances, elle évite ainsi certains dérapages et en premier lieu le piège du technicolor. Après la déroute de ses récentes Aida sur cette même scène, Saioa Hernández (photo) retrouve le rôle de Floria Tosca ; taillée pour les arènes, la cantatrice espagnole chante fort, phrase avec virulence et joue pour être vue de loin, n’hésitant pas à mimer avec outrance sur le « Io quella lama gli piantai nel cor » le geste de son meurtre, en pointant vers le public la pointe fictive de son couteau comme s’il s’agissait du ventre de Scarpia …

Jonas Kaufmann © Gregor Hohenberg
Charisme vocal et élégance scénique
Jonas Kaufmann est heureusement là pour nous consoler. Lui qui a tenu dans ses bras quelques une des plus belles Tosca, Gheorghiu, Mattila, Harteros ou Radvanovsky, ne partage pas ici la même complicité avec sa partenaire, mais le métal sombre de son instrument, la beauté de ses piani, son charisme vocal intact et son élégance scénique parviennent à nous faire oublier ces scories et à nous faire vivre un grand moment d’opéra.

Ludovic Tézier © Cassandre Berthon
Magistrale incarnation
Le Scarpia de Ludovic Tézier n’en finit pas, lui aussi, de nous impressionner. Le baryton français désormais parfaitement à l’aise sous les traits de ce personnage détestable (et dans cette production qu’il fréquente depuis 2014 !), se plait à polir les contours de chaque expression, à se faire abrasif là, brutal ici, plus caressant ailleurs, jouant de toute sa voix et de tout son corps pour incarner avec la plus grande précision l’une des plus belles crapules de l’art lyrique.Parmi les comprimari réunit sur cette série de représentations qui prendront fin le 27 décembre, très bon Angelotti de Amin Ahangaran, solide Spoletta de Carlo Bosi entourés par André Heyboer (Sagrestano) et Florent Mbia (Sciarrone), sans oublier les chœurs, préparés par Ching-Lien Wu, remarquables pendant le Te Deum.
François Lesueur

Giacomo Puccini : Tosca - Paris Opéra Bastille, 2 décembre 2025 ; prochaines représentations les 8, 11, 14, 19, 24 & 27 décembre) / www.operadeparis.fr/saison-25-26/opera/tosca
Photo © Vincent Pontet - OnP
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