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Théotime Langlois de Swarte et Les Ombres à l’Auditorium du Louvre – Le violon-soleil – Compte-rendu

Longue file d’attente des grands jours sous la pyramide pour le concert de Théotime Langlois de Swarte (photo) et des Ombres ; elle eût sans doute été plus fournie encore si les mélomanes avaient préalablement pu découvrir le nouvel enregistrement que le violoniste vient de signer aux côtés de l’ensemble mené par Margaux Blanchard et Sylvain Sartre. Quelques mois après l’intimiste « Mad Lover » avec Thomas Dunford (1), Théotime Langlois de Swarte réalise en effet un nouveau coup de maître avec un programme concertant sous le signe de l’Italie, qui réunit Vivaldi, Locatelli et Leclair. Les interprètes avaient rendez-vous au Louvre, en prélude à la sortie officielle de leur disque (le 18/02, Harmonia Mundi) (2).
 

Sylvain Sartre ©  Jean-Baptiste Millot / Margaux Blanchard © Julien Benhamou

Décidé et radieux, le Concerto grosso op. 1 n° 9 de Locatelli donne le ton à l’orée d’une soirée tout entière baignée de lumière latine. Théotime Langlois de Swarte rejoint ses partenaires pour le Concerto en si mineur RV 384 de Vivaldi. Jamais rien de mécanique sous son archet ; les formules d’écriture si caractéristiques du Rosso sont littéralement transcendées avec une énergie électrisante, voire franchement étourdissante (le finale !). Quant au Largo, la vocalité du violoniste s’y déploie avec autant de prégnance que de désarmante simplicité.
L’ouverture de la tragédie Scylla et Glaucus de Jean-Marie Leclair, menée avec la clarté et le tonus requis, assure la transition vers le Concerto en la mineur op. 7 n° 5 du même. L’Allegro initial, épuré, montre le profond sens du dialogue du soliste et sa maîtrise des contrastes dynamiques. Il instille la pointe d’abandon nécessaire dans le Largo-Adagio, avant de nous embarquer dans un Allegro assai joyeux et dansant, fermement articulé mais toujours d’une grande fluidité. Un véritable violon-soleil !
 
Retour à Vivaldi avec la sinfonia introductive de L’Olimpiade : les musiciens des Ombres l’abordent avec la théâtralité voulue, avec une poésie secrète aussi dans la section centrale, confiée à la viole de Margaux Blanchard. « Per Anna Maria » ? Le Concerto en ut majeur RV 179a placé en fin de programme provient en effet du cahier d’une des plus célèbres élèves de Vivaldi à la Pietà ; un manuscrit qui présente l’immense intérêt de fournir une notation très précise de l’ornementation et des cadences par les soins d'une violoniste d'immense talent.
 

Tel l’oiseau sur la branche, l’archet de Théotime Langlois de Swarte explore l’Allegro ma poco avec légèreté et élégance, et des teintes chaleureuses et tendres qui reflètent une esthétique différente de celle à laquelle le nom du compositeur est généralement associé. On trouve certes une originale cadence dans ce premier mouvement ; le soliste lui apporte la liberté et l’onirisme requis, mais c’est plus encore celle du Largo qui coupe le souffle par sa modernité : au terme d’un mouvement que le violoniste interprète avec une pureté admirable, l’épisode regarde droit vers le siècle suivant ... Le cahier d’Anna Maria, ne comportant que la partie soliste du finale Allegro – surprenante elle aussi –, le musicologue Olivier Fourès s’est chargé de reconstituer avec art celle d'orchestre, permettant d’apprécier dans sa globalité un ouvrage ô combien atypique dans la production vivaldienne.

Quant à l’actualité prochaine de Théotime Langlois de Swarte, notez qu’il sera sur la scène du théâtre des Champs-Elysées le 13 février (11h) avec ses partenaires du Consort dans un programme mozartien comprenant les Concertos pour pianoforte nos 12 et 14, en version de chambre sous les doigts de Justin Taylor, et le 11e Quatuor KV 171. (3)
 

Alain Cochard

(1)  « Mad Lover » : Sonatas, Suites, Grounds, Fantasias & various bizzarie from the 17th-Century England / Harmonia Mundi -  HM 902305
 
(2)  Vivaldi : Concerti RV 384 & 179a ; Leclair : Concertos op. 7 n° 5 & op. 10 n° 3 ; Locatelli : Concerto op. 3 n° 8 / Harmonia Mundi – HM 902649

(3) www.jeanine-roze-production.com/spectacle/justin-taylor-the-consort/

Paris, Auditorium du Louvre, 4 février 2022 (prochain concert à l’Auditorium du Louvre le 25 mars avec Lise de la Salle)

 
Photo © Jean-Baptiste Millot

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