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​Théo Fouchenneret joue l’intégrale des Nocturnes de Fauré au Festival de La Chaise-Dieu 2025 – Paysages intérieurs – Compte-rendu

 
La sortie d’un enregistrement remarquable des treize Nocturnes de Gabriel Fauré nous avait donné l’occasion, il y a un an exactement, de saluer les qualités de Théo Fouchenneret dans un répertoire qu’il fréquente depuis très longtemps. En l’année du centenaire Fauré, la République n’a pas été fichue d’offrir un hommage national à l’un de nos plus magnifiques compositeurs – et l’un des plus intrinsèquement français –, qui fut aussi un acteur majeur de notre vie musicale (dans le cadre de Société Nationale de Musique dès l’origine en février 1871 (1), puis à la tête du Conservatoire de Paris qu’il dirigea d’une main aussi ferme que réformatrice de 1905 à 1920). En concert comme en studio, les initiatives de nombreux interprètes, jeunes souvent, sont heureusement venues compenser ce regrettable oubli, avec de très belles réussites parmi lesquelles l’intégrale de Théo Fouchenneret (pour La Dolce Volta) occupe une place de premier plan.

 

© Bertrand Pichène

 
De sensation plus que d’émotion
 
Depuis douze mois, l’artiste a plusieurs fois eu l’occasion de redonner les Nocturnes en récital et d’en approfondir les secrets. On gardera longtemps en mémoire l’intégrale que, dans le cadre du 59Festival de La Chaise-Dieu, il a offerte au public de l’auditorium Cziffra – d’une acoustique et d’une dimension idéales pour une telle entreprise. Quelques brèves paroles liminaires du pianiste à propos du compositeur et d’une musique qu’il définit comme étant « plus de sensation que d’émotion » : une perception on ne peut plus juste de l’art fauréen que Théo Fouchenneret met ensuite en œuvre avec une maîtrise du clavier et un sens poétique consommés – sans parler de la performance de la mémoire, que l’écriture fauréenne met particulièrement à l’épreuve. Il sait laisser la musique parler, ne surajoute, ni ne souligne rien gratuitement. Présence aussi pudique que fervente : on le suit, captivé, dans une série de paysages intérieurs ...

La signature d'un grand
 
Répartis sur la vie créatrice de l’artiste, les treize nocturnes n’ont pas vocation à être donnés enchaînés. Tout l’art de Fouchenneret est de parvenir à les métamorphoser en un cycle d’une cohérence parfaite, du mi bémol mineur initial, gorgé de souvenirs romantiques, à l’ultime – et terrible – si mineur. Pas un applaudissement n’ose interrompre son déroulement ; l’attention du public est de bout en bout suspendue à la succession de pages qui sont autant d’étape d’une vie soumise à partir de 1902-1903 à l’épreuve de la surdité. La musique se veut consolatrice dans le 8Nocturne (où il est permis d’entrevoir le sourire de Marguerite Hasselmans ...), mais après l’interrogatif 9e, le temps de la résignation est venu dans le 10e Avec quelle justesse l’effondrement d’un monde s’offre-t-il à nos oreilles dans le suivant, comme la violence et la rage du 12e, d’autant plus bouleversant que rien n’y est surjoué. Quant au dernier Nocturne op. 119, l’un des plus exigeants tests poétiques auxquels un pianiste peut se soumettre, on se contentera de dire qu’il porte la signature d’un grand.
 
Alain Cochard
 

  

(1) Pour en savoir plus sur la naissance de la Société Nationale de Musique www.concertclassic.com/article/150eme-anniversaire-de-la-naissance-de-la-societe-nationale-de-musique-1-ars-gallica

59e Festival de La Chaise-Dieu – Auditorium Cziffra, 26 août 2025

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