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Talestri, reine des amazones de Marie-Antoinette de Bavière en première française par la compagnie Arcal – Qui porte la culotte ? – Compte-rendu
Cet opéra de femme devait aussi être mis en scène par une femme, et c’est Bérénice Collet qui s’y colle, assez courageusement car Talestri se présente comme un opera seria pur et dur, avec des arias da capo qui frôlent la dizaine de minutes et un livret également dû à la princesse, dont l’action cousue de fil blanc s’étire un peu longuement sur trois actes. On y retrouve bon nombre d’ingrédients classiques : la tendre amitié de Talestri pour « Orizia », en fait un prince scythe travesti, le tandem Oronte-Learco qui évoque Oreste et Pylade d’Iphigénie en Tauride, la grande-prêtresse Tomiri qui reconnaît Oronte pour son fils mais feint de le tuer au nom du devoir… Avec un happy end qu’on sent venir dès les premières minutes du premier acte, deux couples se mariant à la fin, puisque la sœur de Talestri, Antiope, a eu la bonne idée de s’éprendre de Learco, l’alter ego d’Oronte.
Pour Bérénice Collet, ces Amazones sont des guerrières d’aujourd’hui, même si elles se déplacent à cheval (un peu trop de hennissements en coulisses, tout de même), et son spectacle se divise en deux parties bien distinctes. La première, qui réunit les actes I et II, est assez réaliste, parvient habilement à occuper la scène par des gestes du quotidien – les guerrières se lavent, préparent leur repas dans leur abri de fortune – ou par le sacre de Talestri accompagné d’une sorte de transe chamanique de la prêtresse. La seconde partie se situe davantage dans l’esprit des personnages et sait créer une atmosphère idoine pour ce qui est incontestablement le sommet de la partition, « Pallid’ombra », déploration par la reine de son bien-aimé qu’elle croit mort. Sans être inoubliable, la partition est de très bonne tenue, et concède même un duo au couple principal. En ce soir de première, le Concert de l’Hostel Dieu dirigé par Franck-Emmanuel Comte a encore de menus dérapages que règlera sans doute la tournée qui commence.
Outre un chœur d’abord uniquement féminin, et que trois voix masculines ne complètent qu’à la toute fin de l’opéra, l’opéra exige cinq solistes. Le rôle du prince Oronte était en 1763 tenu par la comtesse von Weiszeck, d’où une dimension quasi shakespearienne (une femme interprète le rôle d’un homme qui s’est d’abord montré – avant le début de l’opéra – déguisé en femme) ; probablement pour rendre l’action plus lisible, il est ici confié à un ténor, ce qui change surtout la donne pour le duo concluant le deuxième acte, mais Iannis Gaussin tire son épingle du jeu, tout comme son collègue João Pedro Cabral, Learco assez mozartien. Délicieuse Laoula dans L’Etoile de Chabrier à Tourcoing, Anara Khassenova semble d’abord dépassée par les exigences tout autres du rôle-titre d’un opera seria ; heureusement, sa reine d’abord trop fragile gagne peu à peu en assurance. Emilie Rose Bry affronte ses airs avec plus d’aplomb, on regrettera seulement des aigus voilés, la distribution restant dominée par l’excellente Anaïs Yvoz, mezzo très investie qui s’impose par sa virtuosité et la richesse de son timbre dans le rôle d’Antiope, sœur de Talestri.
Laurent Bury
Plus d’infos sur la production : www.arcal-lyrique.fr/spectacle/talestri-reine-des-amazones/
Photo © Pierre Grosbois
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