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Strasbourg - Compte-rendu : Iphigénie en Aulide – E la nave va


Moins populaire à notre époque que sa sœur Iphigénie en Tauride, son aîné Iphigénie en Aulide vient clore deux saisons consacrées par l’Opéra National du Rhin à la Grèce antique. Le tandem Renaud Doucet/André Babe situe l’action dans un royaume subaquatique. Omniprésence de l’élément liquide, véhicule des émotions, surplombée par une immense ancre symbolisant l’immobilisme des vaisseaux grecs. Ancre qui, dans la catharsis finale, sera suspendue, telle l’épée de Damoclès, sur Calchas et Iphigénie qui justifiera, à contrario du livret, l’option du final ensanglanté de la tragédie racinienne.

La déclamation gluckiste, si difficile à rendre, est admirablement respectée par une Cassandre Berthon (Iphigénie) en état de grâce : ligne de chant d’une grande souplesse, aigus stratosphériques, articulation parfaite. Avec une voix ample et bien soutenue, Annette Selitgen (Clytemnestre), peine à incarner une Reine outragée dans son instinct maternel, tandis qu’Andrew Schroeder, baryton à la voix tranchante, aux demi-teintes parfaites, campe un Agamemnon en lutte permanente entre devoir et amour filial. Avi Klenberg est un « bouillant Achille » à la voix haut perchée, - un bel exemple de haute-contre à la française (trop souvent confondu avec le countertenor anglais) - aux aigus percutants, mais à la ligne de chant très soignée. On regrette en revanche le manque d’envergure de Patrick Bolleire (Calchas). Le reste de la distribution complète un plateau au français impeccable, où l’on remarque l’Arcas de René Schirrer.

Claude Schnitzler aime la musique de Gluck, et cela s’entend. Sous sa direction experte, l’Orchestre Symphonique de Mulhouse brille de tous ses feux. Quatuor d’une infinie douceur qui alterne avec un égal bonheur suavité et rage contenue. Les cors aux couleurs ombrageuses apportent la pompe nécessaire, tandis qu’une petite harmonie aux couleurs pastorales confère à l’ensemble une saveur douce amère.

Une belle réussite où la musique sert de support à une mise en scène idéalement élaborée.

Bernard Niedda

Strasbourg, le 17 mai 2008.

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Photo : Alain Kaiser

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