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Samson et Dalila à l’Opéra Bastille (Streaming) – Dalila la pyromane - Compte-rendu

 A vouloir tout gommer, tout neutraliser pour faire concept, Damiano Michieletto auteur de ce Samson et Dalila présenté à l’Opéra Bastille en 2016 édulcore et aplanit tout ce que l’œuvre de Saint-Saëns peut avoir d’intéressant. Le cadre choisi pour raconter cet épisode biblique, le rideau de fer d’un bunker, puis la vaste chambre d’un appartement donnant sur une cour, aussi froid qu’austère – et qui pourrait tout aussi bien convenir pour Fidelio, Salomé ou Peter Grimes - fait évidemment table rase sur la Place et la prison de Gaza, la vallée de Sorek ou le Temple de Dagon où sont censés se dérouler les faits. Difficile dans ce décor sans âme de lire les traces du conflit qui oppose Philistins et Israélites et de comprendre les raisons qui poussent le Grand Prêtre de Dagon à se venger de Samson qui de son côté encourage son peuple à placer son espoir en Dieu…
On se demande encore ce qui peut pousser le pauvre Samson dans les bras de cette allumeuse de Dalila, avant de s’esclaffer lors de cette ridicule orgie romaine qui ne prend fin qu’après l’explosion dudit Temple par Dalila, devenue pour l’occasion pyromane… Ce désastre visuel renforcé par une direction d’acteur d’une banalité affligeante n’est supportable qu’en raison de la présence en fosse de Philippe Jordan, pas toujours très à l’aise avec la musique de Saint-Saëns mais qui sait la rendre sensuelle par-delà quelques accents pompiers qu’il aseptise habilement en recourant à un tempo soutenu.

Au plateau on retrouve, non sans une certaine émotion, le solide Aleksandrs Antonenko dans un rôle-titre qui dépasse déjà ses capacités, mais qu’il domine encore une dernière fois, malgré la justesse relative des aigus, à l’image de ses Otello ou de ses Radamès parisiens (en 2011 et 2016). Eprouvée par moment par la tessiture de Dalila et par la langue qui lui échappe (notamment au second acte lors de sa vive altercation avec Samson où elle est incompréhensible), Anita Rachvelishvilli se cramponne vaillamment à cette partition sans pour autant la transcender. Avec son émission récalcitrante et son français évasif, Egils Silins (Grand Prêtre de Dagon) ne fait pas bien longtemps illusion, surtout auprès de Nicolas Cavallier qui en quelques phrases impose un impeccable Vieillard hébreu, de Nicolas Testé (Abimelech) et de chœurs scrupuleusement préparés par José Luis Basso

François Lesueur

 
Camille Saint-Saëns : Samson et Dalila  — Spectacle capté 2016 à l'Opéra Bastille (réal. François-René Martin), disponible en accès payant sur le site de l’Opéra de Paris : https://chezsoi.operadeparis.fr/packages/samson-et-dalila/videos/samson-dalila?medium=&gclid=EAIaIQobChMInbPuzIyw8AIVBQB7Ch3f0QeSEAAYASAAEgId8vD_BwE

Photo © Vincent Pontet OnP

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