Au lendemain du multi-clavecinistique et jouissif programme « Bach dans tous ses états » du Caravansérail (1), le Festival de Sablé donnait rendez-vous au public à Auvers-le-Hamon pour un récital de Salomé Gasselin intitulé « La part des anges », une expression désignant de jolie façon la part d’alcool qui s’évapore pendant le vieillissement en fût. Point de dégustation de cognac ou d’armagnac toutefois, le talent de la gambiste aura amplement suffi à combler l’auditoire présent en nombre à l’église Saint-Pierre – une acoustique idéale pour la viole. Ce n’est d’ailleurs pas sans émotion que l’interprète participait au festival ; il y a une quinzaine d’années elle a été stagiaire de son Académie –  hélas disparue depuis le début de la décennie. 

 

© Festival de Sablé

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L'art du phrasé

Le titre du programme fait un clin d’œil à Marin Marais et à Hubert Le Blanc (1) qui comparait le jeu du célèbre violiste et compositeur à celui d’un « ange », par opposition au « diable » Forqueray. Et Marais d’ouvrir le concert avec un Prélude et une Muzette. D’emblée, l’auditoire est sous le charme. Il ne fait que croître avec des Voix humaines où le propos se fait secret et émouvant. Quelle étonnante capacité de susciter l’écoute la plus attentive Salomé Gasselin possède-t-elle. La phrase respire avec une cohérence et une subtilité peu communes : des points, des virgules, certes, mais aussi – chose plus rare – des points-virgules et de suspension. La musique parle et caresse l’imagination ... Originellement pour luth, Les Castagnettes de Jacques Gallot sont pareilles à un souvenir de fête résonnant en doux pizzicati dans les profondeurs de la mémoire. On n’est pas moins séduit par la souplesse d’archet avec laquelle se déploient La Girouette de Forqueray ou, du même, Le Carillon de Passy, ponctué de son obsédante note grave. 

Entêtante poésie

Dans un 47e Festival de Sablé sous le signe de Bach, Salomé Gasselin a évidemment fait place au musicien allemand avec la 2e Suite BWV 1008 qui, par le passage du violoncelle à la viole, accomplit un processus de décantation : on hume la part des anges de la musique – et l'entêtante poésie le la Sarabande vous poursuit longtemps après que le récital a pris fin ... Pas moins réussis, deux chorals anonymes et une Suite de Karl Friedrich Abel – avec un splendide Adagio, ondoyant et rêveur –, complètent un programme longuement applaudi. Stephen Goodall (un air tiré du Manchester Viola Book) et Keith Jarrett (Prism) en bis.