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Rosenthal, quel bonheur !


Le répertoire lyrique français est gâté en cette fin de saison à Paris. Jean-Charles Hoffelé a eu l’occasion de dire dans ces colonnes la réussite et la profonde originalité du Pelléas et Mélisande selon Martinoty que l’on a pu découvrir au TCE sous la baguette d’un Bernard Haitink des grands jours. Une autre excellente surprise attend le mélomane, au Théâtre Silvia Monfort cette fois, avec un spectacle Manuel Rosenthal mis en scène par Mireille Larroche. Deux comédies bouffes en un acte sur des livrets de Nino, La poule noire et Rayon des soieries, y sont réunies sous le titre « Ô bonheur des dames ».

Car Manuel Rosenthal (1904-2003) ne fut pas que le magnifique chef d’orchestre que l’on sait. L’ancien élève de Maurice Ravel se doublait d’un superbe compositeur. Très à son aise dans le domaine comique, il se pose en héritier d’Offenbach et de Messager ; son inspiration légère, piquante, spirituelle, tendre aussi, se nourrit de la plus belle science musicale. Programmateurs et metteurs en scène devraient s’en souvenir plus souvent, au lieu de ressusciter parfois d’oubliables vieilleries.

On sait gré à Mireille Larroche et à l’équipe de la Péniche Opéra (Lionel Peintre est le conseiller musical de l’entreprise) d’avoir couplé deux partitions des années trente, l’une composée pour l’Exposition universelle de 1937 ( La Poule noire), l’autre fruit d’une commande des… Galeries Lafayette (Rayons des Soieries) !

Rompus au répertoire de l’opérette, les interprètes se révèlent aussi bons comédiens que chanteurs. Lionel Peintre excelle dans le rôle du père de la jeune veuve éplorée et inconsolable, jusqu’au jour… où elle découvre une missive que son défunt Léon adressait à un certaine Loulou. Et crac !, les illusions s’effondrent ! On a beau forcer sur le deuil, on n’en reste pas mois femme… Sarah Vaysset se révèle parfaite confrontée aux assauts d’un prétendant aussi vaillant que rusé (Pierre Espiaut). Quant aux offenbachiennes interventions des locataires potentiels de l’appartement chorégraphiées par Francesca Bonato : un délice !
Dans le rôle de la bonne, Edwige Bourdy, coquine et gouailleuse, exprime tout son sens du théâtre. Il faut attendre le Rayon des Soieries pour que cette artiste de tempérament dispose d’un rôle lui permettant de donner la mesure de son potentiel vocal. Ne serait-ce que pour Bourdy en Reine d’une exotique contrée – inénarrable arrivée à dos de dromadaire ! - dévalisant le rayon du grand magasin, bien aidée en cela par le charme d’un vendeur (Marc Mauillon) qui dispose enfin là d’une occasion de faire la preuve d’un sens commercial dont son supérieur (Lionel Peintre) doutait fortement, le spectacle vaut le détour !

Que de savoureuses beautés aussi dans la partition de Rosenthal, qui déploie un langage harmonique plus complexe et ambigu que dans La Poule noire. Les parties d’orchestre ont été réduites à quatre instruments par Franck Pantin. On regrette évidemment de ne pouvoir goûter à l’original, mais Claude Lavoix (piano), Mathieu Romano (flûte), Sylvie Gazeau (violon), Marie Deremble (violoncelle - en alternance avec Pauline Buet) nous en consolent avec une belle verve.

La Poule noire associée au Rayon des Soieries forment, vous l’aurez compris, un passeport pour une soirée de bonheur sans mélange.

Vous avez jusqu’au 30 juin pour vous l’offrir : pas un instant à perdre donc !

Alain Cochard

Théâtre Silvia Monfort, mercredi 20 juin 2007

La Poule noire/ Rayon des Soieries

Jusqu’au 30 juin 2007

Théâtre Sylvia Monfort, 106, rue Brancion – 75015. Rés. : 01 56 08 33 88

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