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Réparer une injustice invraisemblable - Une interview de Jean-Yves Clément, Commissaire général de l’Année Liszt en France

C’est le moins que l’on pouvait faire s’agissant d’un musicien qui a tant profité de la révolution du double échappement : l’Année Liszt en France a été lancée officiellement à Paris, dans les Salons Erard de la rue du Mail, le 18 janvier dernier. Commissaire général de la célébration, Jean-Yves Clément est par ailleurs écrivain et directeur artistique du Festival de Nohant et des Lisztomanias de Châteauroux. Entouré de collaborateurs tout aussi passionnés que lui par la cause lisztienne, il se donne d’abord pour mission de « réparer l’injustice invraisemblable » dont souffre l’un des créateurs les plus riches de l’histoire de la musique.

Vous avez été désigné Commissaire général de l’Année Liszt en France par le Ministre de la Culture. Comment s’organise l’équipe avec laquelle vous travaillez à l’organisation de cette célébration ?

Jean-Yves CLEMENT : Il y a un Comité artistique, un Comité d’honneur et un bureau qui est constitué de moi-même, de Nicolas Dufetel, jeune musicologue lisztien extraordinaire, vivant et savant à la fois dirais-je, de Csaba Varga de l’Institut hongrois (où j’ai voulu que, symboliquement, le siège du Commissariat soit installé), et de Anne Gazeau-Secret, diplomate, ancienne ambassadrice. A côté de ce « quatuor exécutif », le Comité artistique regroupe beaucoup de gens éminents dont des musiciens tels que Nicholas Angelich, Bertrand Chamayou, Henri Demarquette, Brigitte Engerer ou Jean-Claude Casadesus. Quant au Comité d’honneur, on y trouve Aldo Ciccolini ou Serge Gut par exemple.

Organiser une Année Liszt, vous ne me contredirez pas je présume, revient d’abord à réparer une injustice…

J.Y.C. : En effet, et c’est le prêche de mon action cette année - et celui du livre qui d’ailleurs l’accompagne (1) - ; c’est réparer une injustice invraisemblable. Il importe de faire connaître Liszt de manière beaucoup plus complète que ce n’est habituellement le cas, même dans le domaine du piano où l’on se cantonne généralement à un nombre de pages limité. Et, en dehors du musicien, que connaît-on de l’humaniste engagé, du penseur, du professeur, de l’écrivain, et même du voyageur ? Aucun compositeur dans l’histoire de la musique n’a un statut aussi divers et éclaté et c’est tout cela qu’il faut faire savoir. Liszt est un grand homme, un symbole presque éthique pour moi. Liszt prouve que la musique ce n’est pas la musique et puis voilà. Ce peuvent être mille autres choses autour et la musique devient finalement comme un prétexte de tous ces satellites.

Comment, de façon pratique, l’Année Liszt a-t-elle été bâtie ?

J.Y.C. : Il faut distinguer deux volets. D’une part ce pour quoi j’ai été nommé, c'est-à-dire fédérer, recenser, labelliser, mettre en avant les initiatives qui nous semblent les plus intéressantes. Il est très excitant de voir – je vous invite à consulter le site  www.anneeliszt.com – le nombre de choses concernées par Liszt, le nombre de gens qui s’engagent : il y a une plus grand effervescence que pour l’année Chopin je trouve – le sujet est il est vrai tellement plus divers et ouvert. Il faut reconnaître que René Martin, contre lequel je n’ai rien, nous avait tout de même un peu coupé l’herbe sous le pied à tous avec la Folle Journée l’an passé. Ce n’est pas le cas cette année, pour des causes diverses, et ça va permettre de parler de Liszt de façon plus pleine, plus entière et plus durable.

Notre budget de fonctionnement est modeste – nous sommes tous bénévoles –, mais je n’ai pas voulu me limiter à l’action de recensement, de labellisation. J’ai aussi voulu créer des événements tels que la grande journée nationale « Play Liszt » du 9 mai en partenariat avec le CNSMDP, mais aussi le CRR, etc. Le but est de décloisonner les choses, comme je le fais aux Lisztomanias de Châteauroux, de montrer que la musique est aussi festive, populaire, ouverte à tous, comme dans les autres pays sauf la France, ai-je envie de dire. Je reviens de Budapest, là-bas les choses coulent naturellement : quand on rentre dans une librairie, il y a à boire, un piano, de la musique ; tout va ensemble ! Le 9 mai correspond également à la Journée de l’Europe et je prépare un « coup » consistant à mettre un piano au Parlement européen et à faire jouer par Giovanni Bellucci, devant les députés européens ahuris, le finale de la 9ème Symphonie de Beethoven transcrite par Liszt. C’est compliqué à organiser, vous l’imaginez, mais le président du parlement européen est séduit par l’idée de ce «happening lisztien » !
On aura par ailleurs, le 30 juin au Parc André Citroën, un grand spectacle pyrotechnique, conçu par Jean-Eric Ougier, autour de la musique de Liszt. Enfin le 22 octobre, l’oratorio Christus sera donné à l’église Saint-Louis des Invalides – l’œuvre sera programmée, le même jour, dans plusieurs autres villes européennes (Vienne, Budapest, Madrid, etc.).

(1) « Franz Liszt » (Actes Sud/Classica )

Propos recueillis pas Alain Cochard, le 2 février 2011

Programmation détaillée de l’Année Liszt : www.anneeliszt.com

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Photo : DR
 

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