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Renaud Capuçon et l’Orchestre national du Capitole de Toulouse au Festival de Pâques d’Aix-en-Provence – Violon peintre – Compte-rendu

Riche journée pour Aix-en-Provence du point de vue orchestral que ce 4 avril : outre la signature de la convention par laquelle le Grand Théâtre de Provence accueille La Chambre Philharmonique d’Emmanuel Krivine en résidence pour trois saisons (à partir de cette année), le Festival de Pâques recevait pour la première fois l’Orchestre National du Capitole et son directeur musical, Tugan Sokhiev.
 
Entre le jeune chef ossète (né en 1977) et la formation toulousaine, le coup de foudre dure… Nommé premier chef invité en 2005, puis directeur musical en 2008, T. Sokhiev avait vu en 2010 son contrat prorogé jusqu’en 2016. On a appris ces jours derniers sa prolongation pour une période de trois ans. Un horizon 2019 qui témoigne de l’engagement de l'artiste envers sa formation. Engagement d’autant plus clair qu’il abandonne l’an prochain le poste de chef principal du Deutsches Symphonie-Orchester Berlin pour mieux se concentrer sur Toulouse (sans oublier bien évidemment la direction musicale du Bolchoï qu’il assure depuis l’an dernier).
 

Tugan Sokhiev © www.tugansokhiev.com
 
A Aix, Sokhiev et ses instrumentistes retrouvent Renaud Capuçon (photo), soliste avec lequel ils ont effectué il y a peu une grande tournée au Japon, mais le répertoire change du tout au tout. Après le 3ème Concerto de Saint-Saëns proposé au public nippon, c’est à la création que le violoniste se consacre avec la première française du Concerto pour violon « Gedicht des Malers » (Poème du peintre) de Wolfgang Rihm (né en 1952) dont R. Capuçon a donné la première mondiale à Vienne le 9 janvier dernier avec l’Orchestre Symphonique de Vienne dirigé par Philippe Jordan - l'œuvre résulte d'une commande conjointe du Symphonique de Vienne et du Festival de Pâques d'Aix.

Gedicht des Malers est présenté par son auteur comme un hommage à Eugène Ysaÿe … à travers le pinceau de Max Beckmann. Rihm imagine ce dernier portraiturant l’illustre violoniste belge. Ramassé (moins d’une vingtaine de minutes) et d’un seul tenant, avec un violon omniprésent (le soliste est assimilé au pinceau se déplaçant sur la toile), l'ouvrage se singularise par son onirisme, son intense lyrisme et ses effluves bergiens.
La couleur est reine de bout et bout, l’orchestre tissant une toile sonore frémissante de vie et riche de subtiles alliances de timbres (que Sokhiev soigne ô combien !), en constante osmose avec le propos du soliste – à l’évidence, Rihm a songé à la sonorité très pure de R. Capuçon en écrivant son concerto... Jusqu’à l’ultime et immatériel enlacement du violon sur la chanterelle et des flûtes, un rêve éveillé s’offre à l'oreille.
 
Portée par une large respiration, l’ouverture Les Hébrides de Mendelssohn introduisait une soirée qui, en seconde partie, aura permis de retrouver Tugan Sokhiev dans l’une de ses partitions fétiches, la 4ème Symphonie de Tchaïkovski. Pas une note, pas un détail de la partition ne lui échappe : on ne peut qu’être fasciné par le contrôle parfait qu’il exerce sur la masse orchestrale, la liberté et la fluidité avec lesquelles il pétri le son. Et quel rajeunissement est intervenu parmi l’Orchestre du Capitole depuis quelques années, se dit-on, en observant ses rangs. Voilà qui n’est doute pas étranger non plus à la réussite d’une Symphonie en fa mineur tout aussi intense et lyrique qu’exempte de surcharge.
 
Alain Cochard
 
Aix, Grand Théâtre de Provence, 4 avril 2015
3ème Festival de Pâques d’Aix, jusqu’au 12 avril 2015 : www.festivaldepaques.com

Photo Renaud Capuçon © Darmigny

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