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Redécouvrir Martinu

Juliette ou la clé des songes de Bohuslav Martinu (1890-1959) est de retour à l’affiche de l’Opéra de Paris, dans sa version originale cette fois. Une occasion de savourer l’onirique opéra du musicien tchèque et, peut-être, d’aller plus loin dans la découverte d’un compositeur trop méconnu….

Le renvoi de Martinu du Conservatoire de Prague en 1910 « pour négligence incorrigible » (sic) ouvrait pour le jeune artiste tchèque une période de découvertes et d’apprentissage en autodidacte. Pelléas et Mélisande de Debussy fut l’un des ouvrages qui l’impressionnèrent le plus à cette époque. Pendant une décennie, Martinu resta marqué par les charmes de l’impressionnisme français. Mais c’est en France, où il s’installa en 1923 pour travailler avec Albert Roussel, qu’il devait parvenir à se dégager d’une influence trop pesante et à affirmer sa personnalité. « Ma gloire ce sera Martinu », déclara le modeste Roussel, tandis que son élève tchèque saluait celui qui « avec une justesse et une précision qui lui étaient propres, lui avait indiqué la voie à suivre ainsi que tout ce qu’il fallait rejeter. »

Présent en France jusqu’à son départ pour les Etats-Unis en 1940, Martinu profita de son séjour pour s’imprégner d’une culture qui l’attirait depuis longtemps et pour nouer des liens avec des artistes qui demeurèrent toujours de précieux soutiens – on songe en particulier à Charles Munch (dédicataire de la Symphonie n°6 « Fantaisies symphoniques »).

Preuve de cette « imprégnation » française, c’est sur la pièce de l’écrivain surréaliste Georges Neveux « Juliette ou la clé des songes » (1930) que Martinu écrivit entre 1936 et 1937 ce qui s’impose comme son chef d’œuvre lyrique. Le Tchèque n’avait toutefois pas perdu contact avec sa terre natale : la partition fut créée au Théâtre National de Prague le 16 mars 1938, sous le titre Julietta.

Partition troublante et envoûtante, Juliette ou la clé des songes a fait son entrée au répertoire de l’Opéra de Paris (sur la scène de Garnier) en novembre 2002. Mise en scène par Richard Jones, cette production est de retour, mais à la Bastille. Une reprise bienvenue, qui présente l’intérêt de faire appel à la version originale de l’œuvre et évite donc certaines coupures que les passionnés de Martinu déploraient en 2002. Pour ces six représentations, Marc Albrecht cède la baguette à Jiri Beholavec, tandis que le rôle titre est tenu, non par Alexia Cousin comme en 2002 (ce que la brochure annuelle de l’Opéra annonce) mais par la soprano russe Elena Semenova (qui a incarné Musetta à Bastille l’an dernier).

Et si le langage personnel et humain de Martinu vous attire, poursuivez la découverte avec, par exemple, l’irremplaçable programme où Karel Ancerl dirige la Symphonie n°5, les Fresques de Piero della Francesca, Mémorial pour Lidice et les Paraboles (Supraphon). Au piano l’album de Rudulf Firkusny ( 2CD RCA Artistes Répertoires) offre une belle introduction à la musique pour piano seule ou concertante du compositeur tchèque. En librairie, ne manquez pas non plus l’excellent « Martinu, un musicien à l’éveil des sources » (Actes Sud) du meilleur spécialiste français de la musique tchèque : Guy Erismann.

Alain Cochard

Juliette ou la clé des songes. Opéra Bastille, du 31 janvier au 16 février.
Réservations pour le 16 février

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Photo : DR
 

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