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Piotr Anderszewski au Théâtre des Champs-Elysées – Concentration et introspection – compte-rendu

Interprète inventif, Piotr Anderszewski (photo) ne laisse jamais indifférent. Au Théâtre des Champs-Elysées, dans la série des concerts produits par Jeanine Roze, il présente un récital dense où le sentiment tragique transparaît derrière chaque œuvre avec une acuité souvent proche de l’introspection.  
 
Dans la Fantaisie en ut mineur K. 475 de Mozart, le ton se fait expressif et le poids des silences impose un caractère sombre d’une profondeur émaciée. La Sonate K. 457 de même tonalité prolonge cette impression de douleur et plonge dans des abîmes de souffrance. Pas de légèreté, aucune insouciance dans cette réalisation parfaite dont la spontanéité paraît exclue.
Les Variations sur un thème original en mi bémol majeur WoO24 « Geistervariationen » de Schumann, dernière vision du compositeur en proie aux hallucinations, permettent au soliste d’exprimer toute la dimension angoissée d'une partition d’outre-tombe, entre fulgurance et douleur contenue.
 
Après l’entracte, Anderszewski épouse dans les deux cahiers de Mazurkas op. 56 et op. 59 de Chopin toute la dimension nostalgique de ces « canons sous les fleurs » avec une franchise d’approche et une caractérisation du rythme très élaborée. Le pianiste arpente ensuite la Polonaise-Fantaisie avec fluidité, tout en dévoilant à travers les errances de la composition une liberté où la part de l’improvisation est toujours contrôlée par une technique supérieure et un subtil alliage des timbres. En bis, le second Cahier du cycle Sur un sentier broussailleux de Janáček capte l’attention d’un public subjugué par la puissance de concentration et les vertus poétiques d’une lecture hors du monde.
 
Michel Le Naour

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Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 1er mars 2017

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